Page:Binet - Les altérations de la personnalité.djvu/93

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entier ; plus souvent, elle n’occupe qu’une moitié du corps, par exemple la moitié gauche, intéressant à des degrés divers la sensibilité générale, le toucher, le sens musculaire et les sens spéciaux de la vue, de l’ouïe, de l’odorat et du goût ; chez d’autres l’insensibilité, dont la distribution ne s’explique par aucune particularité anatomique ou physiologique connue, se limite dans une petite région du tronc ou des membres et se présente par exemple sous la forme d’une petite plaque de la peau, qu’on peut piquer, pincer, brûler et exciter de la façon la plus énergique sans éveiller la moindre sensation de douleur, sans même que le contact soit perçu[1].

L’authenticité de l’anesthésie se démontre au moyen d’épreuves variées, et aussi par certains signes physiques qui l’accompagnent fréquemment. Les principaux de ces signes sont l’abaissement de température des parties non sensibles, l’absence d’hémorragie après les piqûres, la diminution de la force musculaire volontaire mesurée au dynamomètre, la forme de la contraction musculaire, l’absence de fatigue, l’allongement du temps de réaction, et enfin l’absence de cri de douleur ou de mouvement de surprise lorsqu’on excite brusquement et fortement la région insensible à l’insu du malade. Aucun de ces phénomènes n’a la valeur d’un signe constant ; mais la présence de quelques-uns est une sérieuse garantie pour l’observateur.

On s’est longtemps mépris sur la vraie nature de l’anesthésie hystérique, et on la comparait à une anesthésie vulgaire, de cause organique, due par exemple à l’interruption des nerfs conducteurs des impressions. Cette manière de voir doit être complètement abandonnée, et nous savons aujourd’hui que l’anesthésie hystérique n’est pas une insensibilité véritable ; c’est une insensibilité par inconscience, par désagrégation mentale ; en un mot, c’est une insensibilité psychique, qui provient simplement de ce que la

  1. On peut consulter pour plus de détails une excellente brochure de M. Pitres : Des Anesthésies hystériques, Bordeaux, 1887.