Page:Biographie des femmes auteurs contemporaines françaises.pdf/173

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restituer les couronnes aux têtes pour qui elles ont été tressées et qui se sont penchées vers la tombe sans les revendiquer.

Mme d’Arconville, dont la vie littéraire et scientifique s’est retranchée tout entière derrière le voile du plus profond anonyme, est une de celles qui justifient le mieux la réputation d’abnégation que les femmes se sont faite. Violette modeste dérobée aux regards, elle n’a cessé d’exhaler de suaves parfums sans qu’on ait su d’où ils venaient. On pourrait dire d’elle bien légitimement : « Le monde l’a admirée et ne l’a point connue. » Douée d’un esprit droit, appréciant parfaitement la position des femmes, qu’un absurde préjugé semble déshériter de l’intelligence, pour les reléguer dans le gynécée ou parmi les travaux du ménage, elle ne voulut point af¬ fronter la loi commune. Elle savait trop les préventions défavorables qui s’attachent aux femmes auteurs pour ne pas s’y soustraire. Dans un de ces moments où le sen¬ timent d’une injustice criante arrache la plainte de notre âme, elle disait en parlant des femmes : « Affichent-elles « la science ou le bel esprit? si leurs ouvrages sont mau- « vais, on les siffle ; s’ils sont bons, on les leur ôte. II ne « leur reste que le ridicule de s’en être dites les auteurs. »

Toutefois, elle n’abdiqua point le génie dont la nature Pavait dotée ; mais elle ne le signa point de son nom. Poussée par un extrême besoin d’être utile, elle en fit le but de toute sa vie. Scs moin dres écrits portent l’empreinte de ce noble désir. Avec un cœur toujours empressé à obliger, une âme idolâtre du bien, sensible, dévouée sans restriction à quiconque pouvait être atteint par la souffrance, comment n’eùt-ellc pas facilement renoncé à la petite vanité d’écrivain ? Était-ce pour les applau¬ dissements qu’elle jetait scs pensées sur le papier? certes non. Celle qui après avoir rendu quelque service disait :