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vaux que leur auteur voulait réserver uniquement pour sa famille et ses amis. En 1815, Mme Voïart devint mère d’une jolie petite fille, dont la naissance causa de grandes joies, et que Mme Tastu, encore bien jeune, célébra par des vers délicieux (l’Hyacinthe). Ce bonheur changea le cours des idées de Mme Voïart sur l’emploi qu’elle faisait de ses loisirs. Depuis son mariage, diverses circonstances avaient diminué la fortune de M. Voïart ; sa femme se demanda si elle pouvait, sans manquer à son devoir de mère, laisser improductif un travail dont les fruits pourraient accroître un jour le patrimoine de sa fille. Ainsi la pensée du devoir fit taire les répugnances de l’auteur timide.

Cependant, redoutant toujours l’éclat et le bruit, Mme Élise Voïart se cacha d’abord sous le voile de l’anonyme ; elle traduisit aussi les Aveux au tombeau, Ludwey d’Aisack, les Aréonautes, le Hussard de Falkenstein ; mais on n’est pas maître de capituler avec sa renommée ; le public ne ressemble pas mal à ces inflexibles machines à vapeur, à qui il suffit de saisir le petit bout de la manche d’un pauvre ouvrier pour lui broyer le bras, puis le reste du corps.

Après avoir livré au public le fruit de ses loisirs, Mme Voïart se vit demander son nom, qu’elle voulait cacher. Il fallut signer ses traductions : puis on voulut avoir le secret de son âme, connaître l’étendue de son esprit, la force de son instruction. C’est ainsi qu’aujourd’hui ce même public nous demande de lui livrer le secret de nos familles, celui de nos âges, de nos écritures ; enfin les traits de nos visages sillonnés, presque tous, par la fatigue, l’inquiétude et la souffrance ! Triste spectacle, en vérité ; mais enfin, c’est la volonté du maître, et Mme Voïart s’y soumit comme nous toutes.

Les amis de Mme Voïart, entre autres le vénérable