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Ne cherchez pas non plus la poésie dans le pompeux étalage de paroles qui a usurpé son nom, parodie ambitieuse et mensongère du chant inspiré des premiers âges. Nos générations décrépites pourront voir briller encore quelques éclairs de talent, et peut-être de génie. Elles dissimuleront peut-être, à force d’artifices, leur stérile caducité. De la poésie, elles n’en ont plus ; il leur est défendu d’en avoir encore. La poésie, c’est ce qu’il y a de plus ingénu et de plus spontané dans la fraîche et brillante adolescence des sociétés ; on ne la contrefait pas.

De toutes les délices de la terre, il ne nous reste que la tendre sympathie qui unit les sexes par des harmonies toujours nouvelles ; accord ineffable qui résulte de l’équilibre de la force avec la grâce, de l’énergie avec la sensibilité, de la puissance avec l’amour, et qui fait goûter encore à nos dernières années quelque chose des douces illusions de la jeunesse. Ménagez tant que vous le pourrez, ménagez avec soin ce contraste heureux, si habilement calculé par la nature, car l’égalité absolue est féconde en rivalités tracassières ; elle n’a jamais engendré, jamais souffert une affection. Le caractère de l’amour vrai, c’est de donner tout ce qu’il a pour enrichir ce qu’il aime ; c’est d’en recevoir tout ce qui lui est donné, pour devoir plus qu’il n’a donné, car l’amour n’imagine pas qu’il puisse devoir assez. Tout pour rien ou rien pour tout, ce sont les deux termes les plus vifs de ses jouissances. Il n’y a point d’humiliations pour l’amour ; il n’y a point de sacrifices pour lui. Ses humiliations sont des triomphes ; ses sacrifices, des conquêtes ; ce qu’il subit, il le possède ;