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Le succès immense des Mémoires de Mme la duchesse d’Abrantès est dû surtout à la certitude d’y trouver l’histoire anecdotique et personnelle la plus complète sur l’empire. Personne ne fut plus en position de tout savoir et de tout entendre. Femme du gouverneur de Paris, elle recevait dans ses salons tout ce que la France comptait en littérateurs, artistes, savants et militaires. Toutes les causeries, toutes les intrigues, tous les secrets de l’État et des mœurs passaient sous ses yeux ; et si à toutes les hautes phases quelle a occupées pendant sa carrière vous ajoutez les relations intimes établies entre l’empereur et sa famille d’abord, ensuite entre l’empereur et Junot, vous ne serez pas surpris qu’on ait attendu d’elle la révélation de tout ce qu’il était possible de dire sur cette époque, et que ses livres aient si largement répondu aux espérances.

En effet, je ne sais pas de lecture plus attrayante, plus variée, plus grave, plus gaie, plus frivole, plus instructive que les Mémoires de la duchesse d’Abrantès. Les acteurs comiques ou tragiques passent en revue sous nos yeux, et nous les connaissons, comme l’empereur connaissait ses soldats, par leur nom. Et tout cela est mêlé à des récits exquis de goût et d’esprit, à des appréciations ingénieuses et délicates, à des souvenirs tristes de ceux qu’elle aima, à des regrets touchants sur une mère adorée enlevée parla mort, à des choses de l’âme et du cœur où le bonheur de l’expression le dispute au bonheur de la pensée. Ce sont des pages d’une philosophie consolante et douce, des épigrammes où éclate toute sa haine pour la morgue et le pédantisme ; et mille fois au travers de ces volumes brillent, comme des diamants, de ces phrases profondes et intimes qu’il suffît d’avoir lues une fois pour se les rappeler toute la vie.