Page:Biographie des femmes auteurs contemporaines françaises.pdf/285

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me figure pas un La Bruyère. Nous avons, dit-on, la liberté de la presse ; mais un livre comme celui de La Bruyère trouverait-il grâce devant nos mœurs ? Le pau¬ vre auteur serait honni, j’imagine, toutes les fois qui) sortirait de la maxime et qu’il en viendrait aux originaux en particulier. Les gentilshommes de Versailles enten¬ daient mieux la raillerie que plusieurs de nos superbes modernes. Une autre raison plus fondamentale entre autres, qui rend le La Bruyère difficile de nos jours, c’est qu’on ne sait plus bien ce que sont certains défauts aux¬ quels le moraliste jette tout d’abord un coup d’œil péné¬ trant, et que sa sagacité évente pour ainsi dire. Un mot, par exemple, qu’on ne dit plus guère jamais, et sur le¬ quel pourtant vivaient autrefois les moralistes, les sati¬ riques et les comiques, est celui de sot : c’est qu’on n’est plus très sensible à ce défaut-là ; et la sottise, un peu de sottise, si elle se joint à quelque talent, devient plutôt un instrument de succès. Un peu de sottise à côté de quelque talent, c’est comme une petite enseigne qu’on porte avec soi, et sur laquelle est écrit : Regardez ma qualitéi Or, nous vivons dans un temps où le public aime autant être averti d’avance et officieusement sur les qualités d’un quelqu’un que d’avoir à les découvrir de lui-même. Mais au moment où nous avons à parler d’un moraliste excellent, ne désespérons pas trop dé l’avenir d’un genre si précieux, et qui, jusqu’à ces der¬ niers temps, n’avait jamais chômé en France. Mme Guizot l’a dit en je ne sais plus quel endroit ; Quand il se pro¬ duit dans un ordre de choses un inconvénient qui se renouvelle et dure, toujours il survient, et bientôt, des gens d’esprit pour y remédier.

M me Guizot a été plus connue et classée jusqu’ici comme auteur de remarquables traités sur l’éducation que comme moraliste à proprement parler. Les deux vo-