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mes ; l’expérience du mien enseigne qu’il est plus sûr de les y laisser revenir ; que le temps les ramène d’ordinaire à la raison et à la vérité ; mais que la raison et la vérité n’ont presque jamais convaincu personne. » Cet esprit si expérimenté et si sûr qui débute par où d’autres sages finissent, patience ! nous le verrons se développer avec les ans, d’une étonnante manière, dans le sens de la foi, de l’enthousiasme et de la tendresse. Ces âmes économes de passion et bien conservées ont des retours d’élévation et de chaleur aux saisons où les autres, d’abord dissipées, faiblissent. Les nobles et tardives passions leur sortent souvent de dessous la raison profonde, comme le pur froment des derniers greniers du sage se verse dans la disette et dans l’hiver de tous. Ainsi de celle dont nous parlons : elle commence du ton de Duclos, elle finira en se faisant lire Bossuet. Mais n’anticipons pas.

Dès les premiers feuilletons du Publiciste, à la date de floréal an X, sous le titre de Pensées détachées s’en trou¬ vent quelques-unes du cachet le plus net, du tour le mieux creusé, — très-fines à la fois et très-étendues, très-piquantes et très-générales ; par exemple : « Un mot spirituel n’a de mérite pour nous que lorsqu’il nous présente une idée que nous n’avions pas conçue ; et un mot de sensibilité, lorsqu’il nous retrace un sentiment que nous avons éprouvé. C’est la différence d’une nouvelle connaissance à un ancien ami. » Et cette autre : « La gloire est le superflu de l’honneur ; et comme toute autre espèce de superflu, celui-là s’acquiert souvent aux dépens du nécessaire. — L’honneur est moins sévère que la vertu ; la gloire est plus facile à contenter que l’honneur ; c’est que plus un homme nous éblouit par sa libéralité, moins nous songeons à demander s’il a payé ses dettes. » — Elle entre à tout moment dans le