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pations d’esprit d’une nature plus austère. Elles commencèrent dès lors à écrire sur d’utiles questions de morale pratique, d’économie sociale, et particulièrement d’éducation ; vocation nouvelle et bien entendue qui marqua pour elles une nouvelle ère de progrès, car la bonne littérature leur est redevable de quelques-unes des meilleures productions qui aient été publiées sur ces matières. Les excellents Magasins de Mme Le Prince de Beaumont, si ingénument savants et si agréablement instructifs, ont peut-être formé plus d’esprits droits et de cœurs honnêtes que les funestes paradoxes de Rousseau n’en ont égaré.

Notre siècle ne ressemble à aucun des autres. C’est un âge de diffusion où toutes les paroles se confondent, comme dans l’antique Babel qui en est le type. Son caractère particulier, si ce pouvait en être un, serait de n’en avoir point, mais de se composer de tous. Jamais on n’a autant écrit, quoique jamais on n’ait été moins inspiré de cet instinct du talent qui fait écrire, et on appliquerait volontiers à cette époque, si ce n’était excéder les convenances de la parodie, le mot célèbre de Bossuet sur le panthéisme insensé du paganisme : Tout est littérature, excepté la littérature elle-même. Les femmes ont apporté un immense contingent à ce chaos de livres qui menacé d’envahir le monde matériel, et de le faire retomber dans les ténèbres dont il fut tiré par la création. Hâtons-nous d’ajouter, toutefois, qu’elles ont conservé, même en cette occasion, les avantages que donne un discernement plein de tact et de finesse, et