Page:Biographie des femmes auteurs contemporaines françaises.pdf/421

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vait essayer de mettre à profit ce qu’elle avait acquis par l’étude, essayer de matérialiser sa pensée ; car Paris seul est le centre où tout se réunit, le foyer de toutes les lumières qui veulent briller, le soleil de la terre littéraire et du monde civilisé, de même qu’il est le siège du bien et du mal, l’asile de toutes les vertus, le réceptacle de tous les vices.

En effet, dépouillée de toutes ses illusions de bonheur, désabusée de la vie avant de l’avoir connue, et d’espérance en espérance arrivée au désespoir, Mme Farrenc s’était déterminée à quitter Marseille où ne la retenait plus aucun lien, pour venir à Paris où l’attirait la nécessité. Seule avec ses trois enfants qui la chérissent, elle arriva dans la capitale le 9 mars 1834, et c’est là qu’il fallut vivre et réparer tant de pertes réelles, tant de jours perdus dans les douleurs, comme aussi passer le niveau de l’oubli sur tant d’affections trompées, sur tant d’espérances évanouies ; car il vaut mieux oublier que maudire, il vaut mieux plaindre et pardonner ; car le plus cruel des époux est toujours le père de nos enfants ! C’est là qu’après s’être courageusement résignée au travail, Mme Farrenc trouva tout à la fois dans ce travail des consolations qui n’étaient que l’oubli de ses peines, et des ressources qui n’étaient que le préservatif de l’indigence. Eh ! n’est-ce donc pas beaucoup pour une femme isolée, inconnue, abandonnée à ses propres forces, perdue au milieu de cet immense oasis, de ce désert sans fin, que d’avoir fait vivre et vécu du produit de sa plume et de ses veilles laborieuses ? C’est ainsi que parurent ses premiers ouvrages, destinés à l’instruction et au plaisir du premier âge, du premier âge qui possède aussi sa bibliothèque ; écrits simples comme l’enfance elle-même, ingénus comme la pudeur, modestes comme la position de l’auteur, inconnus comme sort