ne se sentent pas douées au même degré, par la nature, de cette force matérielle de l’organe de la pensée, qui permet à leurs rivaux de se livrer journellement et dès l’enfance, à des veilles studieuses, aux efforts longs et soutenus de la réflexion et de la pensée.
Cette proposition doit-elle être prise d’une manière absolue, ou n’est-elle, comme tant d’autres, qu’une portion de vérité qui se rapporte exclusivement à ceux qui l’émettent ? C’est une question que l’on soumet au lecteur. Quoi qu’il en soit, tout semble donner à croire que Mme de Bawr penche vers cette opinion.
Au sortir de l’enfance, Mme de Bawr, malgré son esprit naturel et quelques talents déjà acquis, était loin cependant de penser qu’elle dût jamais faire sa profession des lettres, car elle était née et vivait alors dans une grande opulence. Après la mort de sa mère, qu’elle perdit fort jeune, son père, M. Goury de Champgrand, la fit élever avec le plus grand soin. Les maîtres de toute espèce et les plus habiles furent appelés pour l’instruire. Mais l’étude vers laquelle elle se sentit le plus vivement entraînée fut celle de la musique. Une fort belle voix, qu’un crachement de sang lui fit perdre lorsqu’elle était très jeune encore, contribua sans doute à déterminer ce penchant. Quoi qu’il en soit, sa passion pour cet art devint si vive et si constante, que mademoiselle de Champgrand se décida à apprendre la composition, dont elle reçut des leçons de Grétry et de l’abbé Roze, l’un des plus habiles harmonistes de cette époque.
Cependant des pertes successives, occasionnées par la révolution, avaient entièrement ruiné M. de Champgrand, lorsque sa fille épousa le comte de Saint-Simon, qui possédait encore les précieux débris de l’immense fortune que son talent pour les spéculations lui avait fait gagner.