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quemont et de Maestricht. En 1123, les chanoines de Saint-Servais profitèrent de la présence de l’empereur Henri V à Liége pour se plaindre de nouveau de l’oppression et des outrages dont Goswin continuait à accabler leur Église. Cité par l’Empereur pour être ouï en sa défense, il refusa de comparaître. Ce prince, à la prière d’Albéron, chargea Godefroid le Barbu de ramener le sire de Fauquemont à son devoir par la force des armes. Le duc assiégea le château, qu’il força au bout de six semaines et qu’il détruisit de fond en comble[1].

Albéron abolit, pendant la troisième année de son épiscopat, l’une des coutumes les plus odieuses de la féodalité[2]. Il existait à Liége, comme presque partout ailleurs, le droit dit de morte-main ou du meilleur catel, en vertu duquel, après la mort de chaque chef de famille, le seigneur se saisissait du meuble le plus riche de la maison[3]. Il avint que le pieux évêque, allant, selon son habitude, faire de nuit sa prière aux portes de quelque église et y implorer, pour son peuple, la protection du ciel, fut tout à coup frappé par un bruit perçant. C’était une pauvre femme qui disait d’une voix entrecoupée de sanglots : « Ne suis-je pas assez malheureuse d’avoir perdu mon mari, faut-il encore que l’évêque vienne saisir mon lit ? » Albéron en eut le cœur navré. Le lendemain, il se fit instruire du motif de la plainte qu’il avait entendue, et non-seulement il usa de clémence à l’égard de cette veuve, mais il délivra pour toujours la cité et le pays de la servitude du meilleur catel[4]. Il est probable que l’ancienne coutume liégeoise, de ne point faire de testament sans y insérer quelque petite donation en faveur de l’église de Saint-Lambert, a pris son origine dans le souvenir reconnaissant que le peuple conserva de la réforme opérée par son évêque.

Vers l’année 1122, saint Norbert vint à Namur. Le comte Godefroid, pénétré de vénération pour le fondateur de l’ordre de Prémontré, lui offrit le château qu’il avait à Floreffe, et lui assigna des revenus considérables pour y former un monastère. Lorsqu’il fut achevé, Albéron vint dédier l’église. Par une charte, datée de l’an 1124, il confirma la fondation du monastère et lui accorda plusieurs priviléges[5]. C’est de Floreffe qu’il fit venir à Liége douze religieux pour occuper le monastère qu’il fonda lui-même, vers la même époque, sur le mont Cornillon, où l’évêque Otbert avait dédié, en 1116, un oratoire en l’honneur des douze apôtres. L’ordre de Prémontré conserva le monastère du mont Cornillon jusqu’en 1288, époque pleine de troubles pendant laquelle les religieux furent forcés de s’établir au milieu de la ville, dans un endroit qui devint l’abbaye de Beaurepart.

Dans le courant de la même année, 1124, Albéron donna une charte en faveur des religieux de l’ordre de Cluny, qui avaient pris possession à Bertrée, près de Hannut, aux environs de Namur, d’un hospice érigé en prieuré[6]. Une autre fondation se rapporte encore à cette année. L’église de Saint-Gilles, près de Liége, avait été jusqu’alors occupée par des prêtres séculiers ; mais l’évêque, reconnaissant que leur conduite ne s’accordait pas avec leur état, les remplaça par des chanoines réguliers auxquels il donna pour abbé un homme d’une grande vertu, nommé Azo ou Asso. Il augmenta les revenus du monastère et consacra, en 1126, la nouvelle église, où il se réserva le lieu de sa sépulture[7]. Il fonda aussi, vers le même temps, deux autres églises à Liége, l’une dans le cimetière de Saint-Denis, en

  1. Voyez la chronique de De Dynter, t. II, p. 71, et Butkens, Trophées de Brabant, t. I, p. 99.
  2. De Gerlache, Hist. de Liége, depuis César jusqu’à Maximilien de Bavière, p. 70.
  3. Le Magnum Chronicon Belg. (apud Pistorium, Rerum Germ. scriptores, t. III, p. 166) rapporte l’abolition de ce droit faite par Albéron.
  4. Albéron supprima ce droit en 1126 : Primus omnium juri suo vel servituti, quœ dicitur mortua manuss…. renunciavit, dit le Magnum Chronicon Belg. De Reiffenberg pense qu’il fut devancé par Florent I, comte de Hollande ; mais les diplômes de 1108 et 1116, en faveur des bourgeois de Heilo et d’Alckmaar, ne se rapportent pas directement à la suppression de la morte-main.
  5. La charte se trouve dans Vie de saint Norbert, par Hugo, et dans Galliot, Histoire gén. de Namur, t. V, p. 313.
  6. Voyez Gallia Christ. nov., t. III, Instrum., p. 169
  7. Op. cit., t. III, p. 1009.