Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 1.djvu/134

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parateur dont le souvenir, après deux siècles et demi, est resté populaire, malgré les fautes et les faiblesses inhérentes à une administration qui devait réorganiser tous les services publics, cicatriser des plaies longtemps saignantes, assurer l’indépendance de l’État nouveau et relever de son abaissement et de sa langueur une population écrasée par la domination étrangère. À peine rassuré du côté de la France, Albert fut obligé de reprendre, contre les Provinces-Unies, cette guerre implacable dont la bataille de Nieuport (1600) et la prise d’Ostende, après un siége de trois ans et trois mois (1604), ne furent point les événements les moins mémorables. Partout l’archiduc paya de sa personne et put prouver qu’aux qualités d’un administrateur sage et intelligent, il joignait le courage intrépide du soldat et la tactique d’un capitaine habile. On peut dire que le prince Maurice de Nassau avait trouvé en lui un adversaire digne de sa grande réputation. Il est vrai qu’Albert était admirablement secondé, dans les opérations militaires de cette époque tourmentée, par les talents supérieurs du célèbre géneral génois Amb. Spinola et de quelques autres chefs illustres.

La fameuse trêve de douze ans, conclue en 1609 avec Maurice, suspendit, pendant quelque temps, toutes les hostilités et permit au nouveau souverain de s’occuper avec un zèle soutenu de l’amélioration morale et matérielle du peuple. Cette trêve reconnaissait l’indépendance politique des Provinces-Unies, maintenait le statu quo et rendait la liberté aux relations commerciales. Il serait trop long d’énumérer toutes les lois, toutes les ordonnances, émanées des archiducs pour assurer la marche régulière des différentes branches de l’administration, le rétablissement du culte, compromis par les troubles religieux, le progrès des arts, des lettres, de l’industrie, de l’agriculture ; le célèbre Édit perpétuel est resté comme un véritable code qui témoigne de toutes ces améliorations. La révision de la législation, les coutumes locales coordonnées, le prestige rendu à la justice, l’instruction encouragée, la police rétablie, la marine et le commerce relevés ; Rubens, Teniers, Seghers, Juste Lipse, Heinsius, Van Helmont, Sanderus, brillant dans les arts et les sciences, sont là pour attester les bienfaits d’un gouvernement qu’on se plaît trop souvent à ne juger qu’au point de vue des idées du xixe siècle. On l’accuse d’intolérance, d’un amour désordonné pour les institutions monastiques, d’un attachement outré aux pratiques extérieures de la dévotion, comme si, en acceptant la souveraineté des Pays-Bas, les archiducs, princes essentiellement catholiques, n’avaient pas aussi accepté la mission de dompter l’esprit de secte et de révolte qui travaillait sourdement encore les populations belges. Les persécutions exercées alors contre ceux qui s’étaient détachés de l’Église, les odieuses exécutions pour crimes de maléfices ou de sortilége sont moins le fait de ce gouvernement que la suite des tendances de ce siècle resté rude et sanguinaire.

Vers l’époque où la trêve de douze ans allait expirer, Albert essaya d’entamer des négociations diplomatiques avec les Hollandais pour la reddition des places qui restaient encore entre leurs mains. Il envoya même son ambassadeur, le célèbre Pecquius, chancelier de Brabant, à la Haye, pour engager ouvertement les états généraux à réunir en un seul corps les deux grandes divisions des Pays-Bas. Comme on le pense bien, cette hardie tentative, qu’on espérait voir réussir à la faveur des dissentiments qui séparaient, en Hollande, les gomaristes et les arminiens, échoua complétement, et de nouveaux préparatifs de guerre se firent, sous la conduite de Spinola, dans les provinces belges. On était alors en pleine guerre de trente ans, et ce n’était pas sans une vive inquiétude que l’archiduc voyait approcher la fin de la trêve qui pouvait le livrer à tous les hasards de la lutte suprême qui tenait l’Europe en suspens. Les hostilités reprises devaient nécessairement compromettre les efforts tentés avec tant de persévérance pour rendre la prospérité au pays. Il est vrai que l’Espagne avait fourni les fonds pour soutenir une armée de trente mille hommes, alors réunie entre Tongres et Maestricht, et que les provinces belges, en prenant l’offensive,