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noble de naissance. Il paraît avoir résidé aux environs de Douai, sur la route d’Arras. Une gracieuse pastourelle de ce poëte a été publiée par Roquefort (1827). On y retrouve ce mélange de naïveté dans l’expression et de brutalité dans les mœurs qui caractérise le moyen âge. En voici les premières strophes :

L’autrier quant chevauchoie
Tout droit d’Arras vers Douai,
Une pastore trouvoie
Ainz plus belle n’acointai,
Gentement la saluai :
Bele, Dex vous doint hui joie
Sire, Dex le mi octroie,
Tout honore sans nul delai,
Cortois estes tant dirai. »

Je descendis en l’herboie
Lez li seoïr m’en alai :
Si, li di, ne versemoi,
Bele, votre ami serai,
Ne jamais ne faudrai
Robe auroie de drap de soie,
Freman d’or, hures, corroies,
Cuevrechies, trecors ai
Sollers pains grans vous donrai.

La naïveté est poussée trop loin dans les autres couplets pour que nous puissions les reproduire. Cette citation suffira du reste pour donner l’idée de la simplicité et de l’aisance de cette poésie, dont on remarquera la singulière parenté avec la fameuse ballade du comte de Champagne.

F. Hennebert.

ANESEUS (Jean) ou ANSUS, auteur de diverses prophéties, né à Huysse au xive siècle. Aneseus, dit le serrurier de Huysse, apparemment un pseudonyme, publia trois prophéties, dont la plus ancienne édition serait de 1553. M. Ferdinand Vander Haeghen à Gand possède un exemplaire de 1582, intitulé : De Notabel ende waerachtige prophetie van den smet van Huysse, gheheeten Jan Ansus. Ghedruckt in ’t jaer ons Heeren MDLXXXII ; in-8o, pp. 16.

Une autre édition parut à Rotterdam en 1609, et, lors de la guerre de succession de l’Espagne, on en détacha la prophétie d’Habacuc, qui parut séparément à la Haye en 1701[1] ; on y dit que le Fils de l’homme qu’on y désigne, est Guillaume III, qui vaincra l’Antéchrist et établira un vaste empire sur des bases solides et invincibles. Mais l’édition la plus répandue est celle imprimée à Gand[2] vers la fin du siècle dernier ; elle contient, comme les anciennes éditions, trois prophéties. La première porte la date de 1391 ; elle a surtout rapport à la Flandre et aux luttes intestines des villes et des feudataires de Gand et de Bruges ; la seconde, datée du 12 mai 1376, est en termes plus vagues et plus généraux, et ressemble beaucoup à la troisième : la prophétie d’Habacuc.

La première prédit le triomphe du roi d’Angleterre sur la France et finit par la description d’une grande bataille livrée au nord-ouest de la Flandre, entre le roi des oiseaux, le roi des fleurs et le Fils de l’homme. Le comte de Flandre, suivi de ses feudataires, commence le combat et attaque les métiers de Gand, mais le Fils de l’homme intervient et soutient les gens des communes, qui parviennent à vaincre le comte et les soldats du roi des fleurs. Alors le Fils de l’homme est reconnu comme seigneur par toute la Flandre, et deux couronnes lui ceignent le front.

Cette prophétie est tout à fait dans le sens des partisans du Lion, ou des Klauwaerts, opposés au parti des feudataires, qui relevaient directement du comte de Flandre, homme lige du roi de France, et nommés pour cette cause les gens du Lis, Leliaerts. Le parti du Lion était sans contredit le parti national et s’appuyait sur l’Angleterre pour sauvegarder l’indépendance des Pays-Bas contre l’agression incessante de la France.

La seconde prophétie est datée du 22 mai 1376 ; le même esprit y règne : relever la Flandre du lien féodal, qui la tenait asservie à la France, par le secours du roi d’Angleterre, qu’on nommait toujours le Fils de l’homme, terme pris dans les prophéties de Daniel, où il désigne le Sauveur de la Chaldée. Cette prophétie est à peu près la même que

  1. Aenmerkelycke en wonderlyke prophetie van Dr Abacuch, gepropheteert binnen de stad van Gent, in het jaer ons Heeren 1391 : zynde hel zelve getrocken binnen ’s Gravenhage uyt het Prophetie Boeck van den voornoemden Dr Abacuch, gedruckt tot Gent in ’t jaer 1553. ’s Gravenhage, by de weduwe van H. Gael, 1701, in-4o, pp. 4.
  2. De notabel prophetie van den smet van Huysse, mitsgaders die van Abacuch, gepropheteert binnen Ghendt in de jaren 1376 en 1391. Naer eene copie gedruckt in ’t jaer ons Heeren 1582. Tot Gent by F.-J. Tservrancx, in-8o, pp. 20.