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que les doyens nouvellement élus furent invités à jurer d’observer le règlement additionnel de l’année 1700, ils se refusèrent à accomplir cette formalité. Ils alléguaient quelques raisons qui ne manquaient pas d’une certaine gravité et qui ne laissèrent pas que de produire de l’effet à Vienne, malgré l’art avec lequel le marquis de Prié, alors chargé de gouverner les Pays-Bas autrichiens, au nom du prince Eugène de Savoie, sut présenter ce débat de la manière la plus défavorable pour les doyens. Ce règlement, disaient-ils, n’avait jamais reçu l’approbation du roi Charles II ; il n’avait été mis en vigueur que pendant l’usurpation du duc d’Anjou (Philippe V, roi d’Espagne) et devait être considéré comme une innovation de ce prince illégitime. En outre, ce règlement émanant simplement du conseil de Brabant, était contraire à un décret des archiducs Albert et Isabelle, qui s’étaient réservé, à eux et à leurs successeurs, ducs et duchesses de Brabant, le droit d’apporter des modifications à l’organisation de la commune de Bruxelles.

Le marquis tenta de briser la résistance des doyens ; il obtint du conseil de Brabant deux décrets successifs qui l’autorisaient à se passer du consentement des doyens (11 juin et 24 juillet 1717) ; il recourut à l’Empereur, qui exigea le serment sur le règlement additionnel, mais en permettant aux doyens d’assembler provisoirement leur arrière-conseil d’après le mode prescrit par le règlement de 1619 ; il essaya de gagner, par des promesses et des menaces, un certain nombre de doyens ; mais ses efforts restèrent infructueux. Le doyen Van Yper ayant, sur les instances du bourgmestre, prêté le serment détesté, ses collègues quittèrent en désordre l’hôtel de ville, et le peuple, qui était réuni sur la place, se rua à la recherche du doyen infidèle, commença le pillage de sa maison, puis se jeta sur l’habitation du bourgmestre qu’il livra à la dévastation (24 mai 1718).

Le lendemain, les chefs de la garde bourgeoise prièrent le marquis de Prié de faire évacuer par la garnison les places d’armes qui se trouvaient en ville, et, malgré toute sa répugnance, le ministre dut y consentir, car la garnison était insuffisante pour maintenir l’ordre, et les bourgeois se montraient peu disposés à joindre leurs efforts aux siens. On reprocha depuis aux syndics des nations, et en particulier à Anneessens, d’avoir exigé alors la convocation des gardes bourgeoises. Or, lorsqu’ils demandèrent au magistrat cette convocation, les adelborsten, ou officiers des compagnies, étaient déjà appelés sous les armes. Anneessens aurait dit alors, suivant l’acte d’accusation porté contre lui, qu’il fallait laisser prêter l’ancien serment, sinon les bourgeois ne déposeraient pas les armes. Cette grave imputation ne fut pas prouvée.

Cependant le marquis, sur les instances pressantes du magistrat, consentit au rétablissement intégral de l’ancien serment ; toutefois il rencontra bientôt de nouvelles difficultés, les nations ayant exigé l’annulation des deux décrets portés contre eux par le conseil de Brabant. De Prié persistait à maintenir ces décrets dans l’espoir qu’il pourrait les mettre à exécution dès qu’il aurait réuni des forces suffisantes. Ses retards, ses tergiversations ne servirent qu’à augmenter l’irritation des esprits, et lorsque cette annulation tant désirée fut accordée (le 16 juillet), la populace, parvenue au comble de l’exaspération et grossie par une multitude de campagnards que la fête de la kermesse avait attirés, saccagea successivement plusieurs maisons et, dans le nombre, la chancellerie de Brabant.

On a représenté Anneessens comme ayant été l’instigateur de ces scènes de désordre. Certes, elles ont été la suite des débats prolongés du ministre et des nations ; mais il ressort à l’évidence des pièces du procès du doyen que celui-ci fit l’impossible pour prévenir et arrêter les pillages. Malgré son âge avancé, il prit les armes, courut de maison en maison pour essayer de réunir les gardes bourgeoises, et passa plusieurs heures à la chancellerie, afin de la préserver d’une nouvelle insulte. Il était si peu de connivence avec les émeutiers que ceux-ci le menacèrent de ruiner sa maison de fond