Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 1.djvu/337

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vêque de Malines. Prévôt de Saint-Bavon, président du conseil privé et du conseil d’État, maître des requêtes en Hollande, etc., Viglius fut encore investi des importantes fonctions de chancelier de l’ordre de la Toison d’or. Il n’avait donc rien perdu de la haute faveur dont il jouissait sous le règne de Charles-Quint. En effet, Philippe II, lorsqu’il s’éloigna des Pays-Bas, l’avait placé, avec Granvelle et le comte de Berlaymont, dans le comité secret ou consulte qui devait diriger et surveiller Marguerite de Parme, nommée gouvernante générale. Mais bientôt l’influence occulte de cette consulte indisposa les autres membres du conseil d’État et contribua à la formation du parti national à la tête duquel se placèrent Guillaume d’Orange, ainsi que les comtes d’Egmont et de Hornes. Le Taciturne allait triompher : Granvelle reçut l’ordre secret de sortir des Pays-Bas. Alors une nouvelle lutte s’engagea entre les trois seigneurs ligués et les cardinalistes, c’est-à-dire les anciens amis de Granvelle, lutte tantôt sourde et tantôt ouverte, dans laquelle Viglius montra de l’habileté, mais qui était au-dessus de ses forces. La’fermeté et l’énergie n’étaient point les qualités dominantes du célèbre président : c’était plutôt un politique méticuleux, un homme timide qui courbait la tête sous la tempête et qui rusait avec les événements. Après avoir d’abord accueilli avec faveur le choix du duc d’Albe comme successeur de Marguerite de Parme, il eut soin de ne point se compromettre : aussi se gardait-il de coopérer aux actes les plus tyranniques du nouveau gouverneur. Il refusa de siéger au conseil des troubles. Il protesta contre l’établissement du dixième denier. D’un autre côté, il alléguait sans cesse son grand âge et sa mauvaise santé pour obtenir la démission de ses emplois. Enfin, en 1569, Philippe II nomma Charles de Tysnacq chef et président du conseil privé, mais il retint Viglius en la charge de président du conseil d’État.

Sous l’orageuse administration du grand commandeur Requesens, successeur du duc d’Albe, Viglius tâcha de s’effacer autant que possible. Mais Requesens étant mort presque soudainement, le conseil d’État dut prendre les rênes du gouvernement. Or Viglius fut loin, en ces conjonctures, de seconder le mouvement national qui avait pour but d’affranchir les Pays-Bas de la tyrannie espagnole. Dans le conseil d’État, il fit partie de la minorité ultra royaliste et refusa en conséquence de sanctionner la proscription ou mise hors la loi des vieilles bandes du duc d’Albe, qui s’étaient insurgées et qui, après avoir échoué dans leurs tentatives contre Bruxelles, venaient d’emporter Alost d’assaut. Accusé de trahison, Viglius fut arrêté, le 4 septembre 1576, avec les comtes de Mansfeldt et de Berlaymont, conduit sur la Grand’Place, et emprisonné dans l’édifice où les comtes d’Egmont et de Hornes avaient passé leur dernière nuit. Le sort de Viglius et de ses deux collègues fut moins tragique. Viglius avait recouvré sa liberté lorsque don Juan d’Autriche, après s’être accordé avec les états généraux, fit son entrée solennelle à Bruxelles. Le vieux conseiller de Charles-Quint et de Philippe II montrait d’ailleurs peu de confiance dans le vainqueur de Lépante et prédisait de nouveaux orages. Il ne les vit point, car il mourut à Bruxelles, le 8 mai 1577, sept jours après l’installation de don Juan. Le 14 mars précédent, Viglius, âgé de soixante et dix ans, avait dicté un volumineux testament dans lequel il exprimait formellement le vœu d’être inhumé dans l’église de Saint-Bavon, à Gand. Ce vœu fut accompli par ses exécuteurs testamentaires. Viglius trouva le repos éternel dans la crypte de la célèbre cathédrale. Il avait été constamment fidèle à sa devise : Vita mortalium vigilia. Peu d’hommes ont marqué leur vie par des veilles plus laborieuses. La liste des ouvrages ou élucubrations de Viglius remplit trois pages des Analectes de Hoynck Van Papendrecht, qui a, du reste, consacré un volume tout entier à cet homme eminent. Mais pour qui veut bien connaître Viglius, mieux vaut lire sa correspondance que des ébauches souvent indigestes.

Th. Juste.

*AYTTA DE ZUICHEM (Bucho D’), docteur en théologie et licencié ès-lois,