Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 1.djvu/398

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général de l’artillerie. Ce fut en cette qualité qu’il prit part à la campagne de 1568, où l’on vit l’armée des bannis traverser toute la Belgique sans y gagner une ville et sans y livrer une bataille. Elle se dispersa à son entrée en France. La plupart des gentilshommes confédérés — et Barchon fut du nombre — s’en allèrent guerroyer dans les rangs des huguenots. Après la bataille de Moncontour, il se rendit à la Rochelle avec le comte Louis de Nassau. Ce fut là qu’il reçut, en août 1571, sa nomination de gouverneur et lieutenant général de la principauté d’Orange. Il s’y rendit en toute hâte ; l’anarchie était au comble dans ce malheureux pays ; mais sa fermeté et sa présence d’esprit y triomphèrent de tous les obstacles. Il n’y eut que le voisinage du comtat d’Avignon qui demeurât pour lui une menace, une source d’ennuis et de contestations. La dispute avec le cardinal d’Armagnac, qui en avait le gouvernement, est curieuse à plus d’un titre. Ce prélat lui ayant demandé de repousser de la principauté tout étranger qui y aurait cherché un refuge, il s’en excusa en disant que le seul fait de la religion ne constituait point un crime à ses yeux. Quelque temps après, il fit instruire l’affaire des massacres d’Orange, et réclama du cardinal l’autorisation de faire arrêter dans le comtat Venaisin quelques-uns des principaux brigands et saccageurs. « Puisque vous ne réputez point crime le fait de religion, lui fut-il répondu, vous ne sauriez trouver mauvais que, de mon côté, je n’estime non plus être criminel ce que ceux d’Orange ont exécuté pour y avancer la religion catholique. » On voulut, après cela, à deux reprises, déposséder Barchon et renouveler à Orange des scènes de barbarie, mais il fit si bonne garde qu’il échappa à ce danger. La nouvelle de la Saint-Barthélemy l’obligea à redoubler de vigilance. Charles IX lui écrivit, en effet, sous la date du 22 septembre 1572, pour le reprendre d’avoir fait des courses sur les terres du saint-siége, c’est-à-dire le comtat Venaisin, et le menacer des effets de sa colère dans le cas où il ne chasserait point aussitôt ceux de ses sujets qui s’étaient retirés auprès de lui. Comme il tint pour son devoir de résister, on revint à la charge en lui demandant davantage : ce fut d’interdire les prêches et de renvoyer les ministres de la religion réformée. Barchon opposa à ces nouvelles exigences la volonté expresse du prince d’Orange et de Nassau, son seigneur et maître. Par malheur, s’il savait tenir tête aux rois, il se laissait trop facilement duper par ses amis. Un gentilhomme dauphinois, Glandaize, qui était son hôte, s’empara par surprise de la ville d’Orange et le retint prisonnier. Trois mois plus tard, en mars 1574, Barchon parvint à reconquérir son commandement.

L’avènement de Henri III lui donna quelque répit. Il s’employa à faire revivre le commerce et l’industrie. On ne lui en sut pas le moindre gré. Le parlement d’Orange lui faisait une guerre sourde et le parti huguenot s’agitait de nouveau. Arraché de son hôtel, la nuit, en 1579, et conduit comme un malfaiteur jusqu’aux portes de Nyon, il vit échouer toutes les tentatives qu’il fit, dans la suite, pour reprendre son autorité. Il revint alors dans les Pays-Bas, et justifia si bien sa conduite que le prince d’Orange traita son successeur en rebelle. La charge de vice-maréchal de camp lui fut confiée en 1585. Sa dernière campagne jette une ombre sur sa vie. Le prince Maurice de Nassau le chargea, au mois d’avril 1596, d’opérer, dans les provinces belges, une diversion à la façon de Martin van Rossem. Barchon s’en vint, à la tête d’une nombreuse cavalerie, ravager le Brabant et le pays wallon. Il rançonna plusieurs villes et brûla ou saccagea de fond en comble vingt-deux villages. A Fleurus, il avait vu, au milieu des flammes qui dévoraient l’église, une femme se précipiter du haut du clocher avec son enfant dans ses bras. Ce triste souvenir ne le quitta plus, et, à ses derniers moments, on l’entendit crier : « Elle ne veut point me pardonner ; elle m’attend devant le tribunal de Dieu. »

Nous ignorons si Antoine de Prez, qui