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Montigny, gouverneur et grand bailli de Tournai et Tournaisis ; mais il ne fut élu qu’à la simple majorité des suffrages des consaux (ainsi étaient appelés les trois colléges des prévôts et jurés, des mayeur et échevins de la ville et des mayeur et échevins de Saint-Brice dont le magistrat se composait), et, parmi ceux qui votèrent contre lui étaient les deux prévôts de la commune ainsi que les conseillers pensionnaires (15 janvier 1566). Lorsqu’il fut installé, les consaux lui déclarèrent qu’ils l’admettaient à l’exercice de la charge de procureur général, à condition « qu’il ferait exécuter les placards et édits à l’encontre des sectaires et délinquants pour le fait de la religion sans aucune dissimulation ou connivence, à peine, s’il était trouvé en ce négligent et défaillant, d’être dès maintenant pour lors privé d’ice-lui état de procureur » (17 janvier). Il promit et jura d’ainsi le faire.

La nomination de la Barre avait été vue de mauvais œil par les catholiques, et surtout par l’évêque, Gilbert d’Ongnies, qui la dénonça à la duchesse de Parme. La gouvernante écrivit aux consaux, pour leur en exprimer son mécontentement ; elle ne s’en tint pas là, mais elle voulut qu’ils la révoquassent (9 février 1566). Les consaux s’efforcèrent de se justifier ; la Barre partit lui-même pour Bruxelles, accompagné d’un des pensionnaires de la ville, afin de se laver du soupçon d’hérésie que faisait planer sur lui la sentence de 1563 : il y réussit, et la gouvernante ne s’opposa plus à ce qu’il prît possession de la charge qui lui avait été conférée, grâce à l’appui que, cette fois encore, le seigneur de Montigny lui prêta.

Les circonstances au milieu desquelles la Barre entrait dans l’exercice de ses nouvelles fonctions, étaient difficiles pour les dépositaires de l’autorité et ne tardèrent pas à le devenir encore davantage. La confédération de la noblesse, la requête présentée par les confédérés à la gouvernante, leur assemblée à Saint-Trond, produisirent dans les Pays-Bas une fermentation générale. Malgré les mesures acerbes, les supplices, les bannissements auxquels le gouvernement avait eu recours, le calvinisme n’était pas anéanti à Tournai ; il se ranima et prit tout aussitôt un développement extraordinaire. Ce n’était plus en secret, dans des endroits écartés ou au milieu des bois que les apôtres de la réforme tenaient leurs prêches, mais ils avaient lieu publiquement, à proximité de la ville, et l’on y comptait jusqu’à dix, douze, quinze mille assistants, presque tous armés et prêts à repousser la force par la force ; aussi les magistrats royaux et municipaux auraient-ils bien vainement tenté d’y mettre obstacle. Le 22 août, la nouvelle arriva à Tournai que les images avaient été détruites à Gand et à Anvers ; en un instant le peuple s’émut, des rassemblements se formèrent ; l’un d’eux se disposait à abattre une croix placée près de l’église Saint-Pierre, lorsque Pasquier de la Barre, étant accouru sur les lieux, persuada aux individus qui le composaient de renoncer à leur dessein ; mais, le lendemain, il ne fut plus possible d’empêcher le déchaînement des passions populaires, et toutes les églises, cloîtres, chapelles, abbayes de la ville et des environs furent envahis et saccagés. Dans cette triste journée, la conduite de la Barre ne fut pas exempte de blâme ; on l’accusa plus tard, et ce fut une des causes de sa condamnation, d’avoir lui-même conduit les dévastateurs dans l’église de Saint-Brice. Cependant il préserva les tableaux des armoiries des chevaliers de la Toison d’or qui ornaient le chœur de la cathédrale depuis le chapitre que Charles-Quint y avait célébré en 1531, et s’il ne s’opposa pas à ce que les riches reliquaires qui étaient cachés dans un lieu secret de la trésorerie fussent mis en pièces, il veilla à ce que rien n’en fût pillé ni dérobé. Par ses soins, tous les morceaux en furent renfermés dans des coffres et placés en lieu sûr.

Pendant plusieurs mois, et jusqu’au 2 janvier 1567, les calvinistes furent véritablement les maîtres dans la ville. Ce jour-là, Philippe de Sainte-Aldegonde, seigneur de Noircarmes, qui, en l’absence du marquis de Berghes, parti pour l’Espagne, était chargé du gouvernement