Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 1.djvu/453

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entre Biblus et Bairouth, un étroit défilé qu’il devait traverser. Le passage paraissait impraticable même aux plus hardis. Baudouin le força la lance à la main, et augmenta encore par ce fait d’armes la réputation militaire dont il jouissait parmi les plus braves. Enfin, il entra à Jérusalem le 11 novembre ; et, après avoir, quelques jours plus tard, opére du côté d’Ascalon, d’Hébron et de Suse, une expédition qui lui donna une nouvelle occasion de se signaler, il reçut, malgré l’opposition du patriarche et de Tancrède, l’hommage de tous les barons du royaume qu’il confirma dans leurs fiefs. Pendant les fêtes de Noël, il se reconcilia avec Dagobert et fut solennellement couronné à Bethléem.

Ce ne fut pas sans rencontrer de grandes difficultés qu’il commença son règne. En effet, Tancrède refusa de le reconnaître pour son suzerain, et il fallut presque recourir à la force pour l’amener à déposer les fiefs de Caïfa, de Tibériade et d’autres dont il avait été investi naguère par Godefroid. Ce vassal rebelle étant parti pour Antioche dont il alla gouverner la principauté au nom de son parent Bohémond, le roi crut l’occasion favorable pour entamer à son tour le patriarche Dagobert, avec qui sa réconciliation avait été plus apparente que réelle. Il lui reprocha d’avoir faussé le serment prêté à Godefroid et produisit même une lettre adressée par le prélat à Bohémond pour engager celui-ci à tuer Baudouin pendant le voyage qu’ils avaient fait ensemble à Jérusalem en 1099. Ces accusations ne firent qu’envenimer la querelle, si bien que le roi, n’osant mettre lui-même la main sur le patriarche, le dénonça à la cour de Rome et le chargea, en outre, du fait d’avoir vendu un morceau de la vraie croix. Un légat du pape arriva bientôt, qui réussit à calmer l’irritation de Baudouin. Ce qui acheva d’amener un rapprochement entre le roi et le patriarche, ce fut la générosité dont celui-ci fit preuve en offrant une somme considérable au souverain dont il savait le trésor épuisé. Quoique, dès ce moment, la concorde se fût quelque peu rétablie dans le royaume, les premiers mois se passèrent sans qu’il fût possible de songer à agrandir ni même à compléter la conquête. Ce fut seulement vers la Pentecôte de l’année 1101 que le roi ouvrit la campagne. Elle fut signalée par le siége et la prise d’Arsuf et de Césarée. Elle le fut plus encore par une mémorable victoire que Baudouin remporta, le 7 septembre, entre Ascalon et Jaffa, sur une armée égyptienne qui ne comptait pas moins de onze mille cavaliers et vingt mille fantassins, et à laquelle le roi n’avait à opposer que deux cent soixante lances et neuf cents hommes de pied. Après cette bataille, où Baudouin fit des prodiges de valeur et d’où on le vit, au dire des chroniqueurs, sortir tout ruisselant du sang des ennemis qu’il avait abattus, force fut au roi de laisser dormir ses armes pendant plus de six mois, ses victoires elles mêmes ne servant qu’à éclaircir les rangs de sa petite armée, sans qu’une nouvelle lance y vînt remplir un vide. A la vérité, trois nouvelles expéditions s’étaient préparées en Europe pour venir au secours des latins d’Orient : la première en Italie, la seconde en France et la troisième en Allemagne. Mais le plus grand nombre des guerriers qui y prirent part trouvèrent, comme on sait, la mort avant d’avoir traversé les solitudes de la Phrygie. La bravoure souvent téméraire de Baudouin restait donc l’appui le plus puissant du royaume de Jérusalem. Cependant le roi n’avait pas été sans comprendre la nécessité de s’emparer du littoral de la Syrie, dont la possession devait ouvrir les ports de cette contrée à la navigation européenne et dispenser les armées chrétiennes de prendre, pour s’acheminer vers les lieux saints, le long et périlleux détour de l’Asie Mineure. Ce fut à atteindre ce but que Baudouin, dès ce moment, appliqua ses soins et ses forces, certain qu’il était, d’ailleurs, de se voir secondé à l’envi, dans son entreprise, par les Vénitiens, les Génois et les Pisans. De grands motifs politiques eussent dû lui commander de chercher, avant tout, à se rendre maître d’Ascalon, place d’armes importante qui mettait les garnisons turques du littoral en communication