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Martel et frère du roi Pepin le Bref. Il naquit, vers l’an 753, à Huysse ou Huysche, près d’Audenarde, village qui devint, à ce qu’on assure, son patrimoine ainsi que celui de Berthem ou Beerthem, près de Louvain[1]. Charlemagne, dont il était le cousin germain, le fit venir, dès son enfance, à la cour et le nomma comte du palais. Ce lieu de plaisirs fut pour le jeune Adélard, prévenu par la grâce divine, une école où il apprit à aimer la vertu avec les lettres. Mais les abus et les pernicieux exemples qu’il y voyait, alarmèrent à la fin sa conscience et lui inspirèrent le dégoût du monde. Il s’éloigna donc de la cour et du commerce des hommes, pour aller vivre dans la retraite. Son sacrifice fut d’autant plus méritoire qu’il possédait les plus brillantes qualités de l’esprit et du corps et qu’il était à la fleur de l’âge. Il avait vingt ans à peine lorsqu’il prit l’habit monastique à Corbie, en Picardie[2]. Il y fit ses vœux après une année de noviciat passée dans la plus grande ferveur.

On le chargea d’abord de l’entretien du jardin, emploi dont il s’acquitta avec autant de zèle que d’humilité. Cette dernière vertu, jointe à l’amour de la solitude, lui fit demander la permission de se retirer au Mont-Cassin. Il avait choisi ce monastère dans l’espérance d’y rester entièrement inconnu aux hommes.

La permission de se rendre en Italie lui fut accordée ; mais il n’y trouva point pour longtemps la paisible et profonde retraite qu’il y avait cherchée. Son mérite et ses vertus le mirent bientôt en évidence, et on l’obligea de revenir au monastère de Corbie où, quelque temps après son retour, il fut élu abbé.

Charlemagne connaissait les grandes qualités d’Adélard ; il appréciait l’étendue de son esprit, son intelligence pour les affaires, son habileté à les manier avec succès. Ayant établi Pepin, son fils puîné, roi d’Italie, il lui donna Adélard pour conseiller et premier ministre (796). Dans une place aussi importante, Adélard se proposa uniquement pour but la gloire de Dieu et le bonheur des peuples. Il fit rendre la justice avec la plus sévère exactitude, réforma divers abus, et s’attacha surtout à protéger les pauvres et les faibles. Le peuple s’était habitué à lui prêter des qualités surhumaines, et dans son esprit il passait plutôt pour un ange que pour un homme. Léon III avait une si haute idée de sa probité, que ce pape disait que, si Adelard était capable de le tromper, il ne se fierait plus jamais à aucun Franc[3].

Un ministre doué de tant de droiture et de zèle ne pouvait négliger son propre salut. Il s’appliquait à conserver le recueillement intérieur de l’âme au milieu de la direction des affaires publiques et de la dissipation de la cour. Souvent il se renfermait dans ses appartements ou dans la chapelle du palais, afin de vaquer librement à la prière et de ranimer sa ferveur par la méditation sur les misères de l’homme et sur la grandeur infinie de Dieu. Les larmes qui coulaient alors de

  1. La légende des quatre fils Aymon et du cheval Bayard joue un grand rôle dans les anciennes traditions de Berthem. Gramaye (Lovanium, p. 59) dit que Berthem signifie la demeure du cheval, et que ce nom vient du cheval Bayard. En effet le village a ce cheval dans ses armoiries, et l’on prétend qu’on montrait autrefois la crèche, ainsi qu’une pierre avec l’empreinte des pieds du cheval, dans la forêt de Meerdael, c’est-à-dire, suivant le même écrivain, la vallée du cheval. Cette forêt faisait partie de celle des Ardennes, où l’on place les domaines d’Aymon. Alard, le cadet de ses fils, l’ainé selon d’autres, aurait fait présent de la seigneurie de Berthem, qui lui était échue en partage, à l’abbaye de Corbie, lorsqu’il renonça au monde. Molanus (Op. cit., p. 2) ajoute que ceux de Berthem avaient dans leur église un tableau où saint Adélard était peint aussi bien que le cheval gigantesque qu’ils prétendaient avoir été nourri chez eux, comme aussi le saint abbé qu’on transforme en fils cadet d’Aymon. Paquot assure avoir lu dans un registre manuscrit qu’avant les troubles du xvie siècle, on voyait les quatre fils Aymon représentés à genoux devant un crucifix, sur le maître-autel de Berthem. Voyez de Reiffenberg, Chronique de Philippe Mouskes, t. II, p. 205.
  2. Ce monastère avait été fondé en 662, par la reine Bathilde. Adélard fit à cet établissement des donations considérables, parmi lesquelles se trouvait son domaine de Berthem que les religieux de Corbie possédèrent jusqu’en 1562. D’après Van Gestel (Hist. Arch. Mechliniensis, t. I. p. 200), ils y eurent même autrefois un prieuré. Par suite d’un arrangement, la seigneurie de Berthem fut cédée aux seigneurs de Heverlé, qui étaient avoués de Corbie.
  3. France, inquit, sciendo scias, quia si le aliud invenero, quam te credo, non ultra necesse est Francorum aliquem huc venire, cui credere debeam. Paschase Radbert, dans Mabillon, op. cit., t. 5, p. 315.