Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 1.djvu/96

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ployer son gendre. » En réalité, D’Aerssen, devenu l’adversaire de la trêve, devait craindre le mécontentement de Barnevelt. Le 27 novembre, Villeroy mandait à Jeannin : « Le sieur D’Aerssen dit plus haut que de coutume que ladite trêve sera la ruine de leur État et que la partie de ceux qui la rejettent prévaudra à la fin sur l’autre. Si c’est qu’il le croie ainsi ou qu’il veuille flatter le prince Maurice, vous le pouvez mieux juger que nous. » Cette dernière supposition était exacte : D’Aerssen voulait flatter et servir Maurice de Nassau. Jeannin, mécontent des sombres prophéties de l’agent hollandais, entreprit de démontrer qu’elles ne reposaient sur aucun fondement. Il dévoila en quatre lignes tout le secret de la conduite D’Aerssen : « Quant à ce que M. D’Aerssen dit que la trêve sera la ruine de l’État, ce sont les propos que tient le prince Maurice tous les jours pour la grande défiance qu’il a de ceux qui manient les affaires, même du sieur Barnevelt. » La trêve entre les archiducs et les Provinces-Unies fut conclue le 9 avril 1609 et ne porta aucune atteinte à la position D’Aerssen. Loin d’être rappelé, il obtint le rang d’ambassadeur à la cour de France. « Ce fut, dit Wicquefort, le premier qui fut considéré en cette qualité dans cette cour-là, et du temps duquel le roi Henri IV déclara que l’ambassadeur des Provinces-Unies prendrait rang immédiatement après celui de Venise. » Henri IV combla François d’Aerssen de bienfaits et d’honneurs : il l’anoblit et le fit chevalier et baron. Mais cette haute faveur dont il jouissait à la cour de France, D’Aerssen la perdit bientôt après l’assassinat du roi (14 mai 1610). Par son intervention trop active dans les querelles des partis, il déplut à Marie de Médicis ; il froissa surtout le secrétaire d’État Villeroy en censurant sans cesse les actes et la politique de ce ministre.

Les défenseurs de D’Aerssen ont prétendu que, peut-être, il avait vu trop clair dans les affaires de France pour ne pas donner de l’ombrage aux partisans de l’Espagne, très-bien accueillis et protégés par la veuve de Henri IV. Pendant trois ans, D’Aerssen lutta contre les puissants adversaires qu’il avait à la cour de France et contre les antagonistes qu’il rencontrait également dans son pays. Pour conjurer cet orage, il feignit de vouloir retourner en Hollande, afin de remettre sa charge aux états généraux et s’occuper de sa santé et de ses affaires particulières. Des deux côtés, on le prit au mot avec un empressement significatif. D’Aerssen reçut son audience de congé, et le jeune roi (Louis XIII) lui fit présent d’un buffet de vermeil doré de la valeur de trois mille écus. De plus, dans les lettres de récréance adressées aux états généraux, le 16 juillet 1613, le roi déclarait « qu’il avait toute satisfaction de la bonne conduite D’Aerssen, et il le leur recommandait comme un sage et vertueux ministre. »

Aubéry, seigneur du Maurier, représentait alors la cour de France près des états généraux des Provinces-Unies. Il partageait les préventions et les rancunes de Villeroy ; en outre, il ne pouvait pardonner au diplomate hollandais d’avoir été sa dupe. On lit sur ce sujet, dans les mémoires écrits par Louis Aubéry du Maurier, fils de l’ambassadeur contemporain de Maurice de Nassau et de Barnevelt : « Monsieur D’Aerssen avait corrompu un sien secrétaire nommé du Cerceau, de fort honnête famille de Paris, qui allait toutes les nuits dans le cabinet de mon père, assez éloigné de son appartement, et dont en sortant il ne faisait que tirer la porte, au lieu de la refermer à clef, qu’il redonnait à mon père. Là il copiait les dépêches de la cour, pour les communiquer à monsieur D’Aerssen, qui savait ainsi les plus particuliers sentiments et intentions de messieurs les ministres. » L’ambassadeur de Loui XIII, ayant découvert la trahison de son secrétaire, se montrait extrêmement irrité contre celui qui en avait profité. Cette irritation devint plus vive encore lorsqu’il sut que François d’Aerssen employait tout ce qu’il avait d’industrie et de crédit pour reprendre, avec l’assentiment des états généraux, les fonctions d’ambassadeur à la cour de France. Marie de Médicis, avertie, chargea Aubéry de faire entendre aux princi-