Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 2.djvu/137

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moire leur est restée chère, les Liégeois jouirent d’une paix profonde. Quand il eut des démêlés, très-secondaires d’ailleurs, avec les puissances étrangères, il trouva dans sa sincérité, dans son amour de la justice et dans sa modération même les moyens de faire reconnaître ses droits. Il affranchit le commerce des drapiers des exactions dont les exportateurs avaient été victimes, pendant longues années, de la part des Limbourgeois ; il démontra l’inanité des prétentions du roi de Prusse, fondées sur ce que la principauté de Liége n’aurait pas envoyé au Rhin, en 1689 et 1690, le contingent réclamé d’elle à raison des liens qui la rattachaient à l’Allemagne ; il obtint de l’empereur, contrairement à l’avis de l’archiduchesse Marie-Élisabeth d’Autriche, une décision portant que les régiments qui se rendraient à l’avenir du Brabant dans le Luxembourg ne pourraient plus traverser le territoire de Liége sans avoir demandé, au préalable, le consentement du prince-évêque. Ils sont certes bien rares, les règnes dont les annales n’ont à enregistrer que de tels événements.

Tout était bien changé, à Liége, depuis le temps de Maximilien-Henri ! Cependant, si l’on ne songeait plus à revendiquer, les armes à la main, les libertés populaires anéanties en 1684, on était loin d’en avoir perdu le souvenir. On se plaisait au contraire à rassembler les documents qui en attestaient l’étendue : jamais, avant notre époque, on ne s’attacha avec un zèle aussi soutenu, avec une aussi pieuse ardeur à l’histoire du pays. Ce fut alors que parut la continuation du grand ouvrage de Foullon, que Bouille mit au jour ses trois volumes d’annales, que Mèan et Louvrex éditèrent leurs grands monuments de jurisprudence, que Saumery publia les cinq in-folio, richement illustrés, des Délices du pays de Liége. La bibliothèque de l’hôtel de ville fut fondée en 1732. Le développement considérable que prit tout d’un coup la typographie liégeoise, sous Georges-Louis et ses successeurs, constitue à lui seul un fait assez caractéristique : il n’y avait plus à revenir sur le passé ; mais les idées circulaient, les esprits commençaient à fermenter ; on était en pleine transition…

Le dernier acte de Georges-Louis couronna dignement son règne et sa vie. Il était le dernier des Berghes-Grimberghe, comme nous l’apprend son épitaphe : Stirpis suæ ultimus. Par testament du 28 juillet 1742 (suivi d’un codicille daté du 12 octobre 1743), il nomma pour ses héritiers universels ses chers frères les pauvres de la cité de Liége. On se figure l’émotion générale à cette grande nouvelle. Les biens laissés aux indigents valaient au moins un million de florins. Les héritiers s’imaginèrent que le Pactole allait couler pour eux ; malheureusement le prince ne s’était pas expliqué sur la manière dont il entendait que ses louables intentions fussent réalisées. Les exécuteurs testamentaires devinrent suspects, parce qu’ils voulaient, disait-on, capitaliser la fortune de Georges-Louis pour en distribuer annuellement le revenu aux familles nécessiteuses. Il fallait faire des largesses immédiates ; cependant, jusqu’en 1789, la portion la plus importante de cette riche succession fut soustraite aux dilapidations d’un partage inconsidéré. Mais la révolution lâcha la bride aux impatiences populaires. En vain le conseil de la cité s’opposa à des mesures qui devaient, en quelques jours, gaspiller un trésor dont la propriété appartenait évidemment aux générations futures, aussi bien qu’aux turbulents pressés d’en jouir. Rien n’y fit ; sous la pression de l’émeute, l’autorité finit par céder. Une somme de quinze à seize francs échut à chaque ayant droit, et naturellement les pauvres ne retirèrent de là qu’un soulagement momentané. « Il ne reste des libéralités considérables de Georges-Louis que les sommes affectées primitivement aux hospices de la ville de Liége, et peut-être, dans le patrimoine actuel du bureau de bienfaisance, quelques capitaux dont la restauration de Hœnsbroeck empêcha l’aliénation et la distribution aux pauvres. » (Bulletin communal de Liége, numéro du 17 janvier 1857.) Le généreux testateur n’en a pas moins droit à la reconnaissance publique. La commission administrative des hospices civils de Liége proposa au con-