Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 2.djvu/192

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le nom de Bestenbustel, illustré par Paul, est donc éteint.

Aug. Vander Meersch.

Bowens, Beschryving van Ostende, t. II, p. 15. — Biographie des hommes illustres de la Flandre occidentale. — Notes manuscrites communiquées par M. Ch. Van Iseghem, d’Ostende.

*BÉTHUNE (Quenes DE), dit le Vieux, trouvère, né en 1150, à Béthune, mort en 1222, en Romanie, était le cinquième fils de Robert V, avoué d’Arras. Le prénom de ce poëte diplomate et soldat se rencontre sous les déguisements les plus divers : Quesnes, Quenes, Cunes, Cuno, Quennon, Connain, Coenes, Conon, etc. Lacurne de Sainte-Palaye a cru y retrouver, notamment dans la forme Cunes, l’équivalent du vieux titre de cuens, c’est-à-dire comte. Mais Quenes n’était qu’un cadet de famille qui n’eut jamais de comté en Artois. C’est par la grammaire de la langue d’oil qu’il faut s’expliquer cette instabilité d’orthographe : il y a eu, jusqu’au commencement du xve siècle, deux formes pour les noms propres, selon qu’ils étaient au nominatif ou à l’accusatif : Hues, Huon ; Berte, Bertain ; Cunes, Conon.

M. Paulin Paris (Romancéro, p. 78) veut que le trouvère soit né avant 1150. Il se fonde sur ces vers de Philippe Mouskes :

La terre fut pis en cest an :
Quar li vieus Quenes estoit mors.

Mais ce passage, qui se rapporte à l’an 1222, doit être complété par le troisième vers : Et li jouenes Quenes li fors. Il est évident que le chroniqueur a employé vieus comme synonyme de père. Quoiqu’il en soit, Queues paraît avoir été page, puis écuyer chez son parent Hugues d’Oisy. Celui-ci, châtelain de Cambrai, et l’un des plus fougueux féodaux de l’époque, pratiquait la gaie science pour se délasser au milieu des guerres que son beau-frère Philippe d’Alsace faisait à la France. Il donna à son jeune cousin les premières leçons de courtoisie et lui apprit à faire dits et chants en l’honneur de Dieu et des dames. « Il m’apprit à chanter dès enfance, » dit Quenes dans une de ses meilleures pièces de vers. Le jeune page était encouragé par les succès littéraires de son frère Guillaume le Roux, avoué d’Arras. Qui sait aussi s’il n’a pas profité des leçons du magister Eberhardus de Béthune, qui fut surnommé le Gréciste et qui, dans sa grammaire en vers latins, énumère tous les classiques alors connus ?

C’est peut-être en 1170, à l’occasion du baptême d’Isabelle de Hainaut, fille de Baudouin et de Marguerite d’Alsace, que le jeune damoisel de Béthune reçut l’accolade de chevalier. Qu’il ait alors vécu à Lille ou à Arras, toujours est-il naturel de croire que, comme toute sa famille, il se voua au service de la Flandre. Ses frères y étaient honorés et tout-puissants, et lui-même, enthousiaste de poésie, dut se plaire à la cour de la comtesse Elisabeth de Vermaudois. Femme de Philippe d’Alsace, celle-ci avait, plus encore que son époux, le goût des plaisirs littéraires ; elle encourageait Chrestien de Troyes, et l’on dit même qu’elle présidait une cour d’amour.

Ainsi formé par les exemples de la cour et les leçons de la famille, Quenes était un chevalier accompli quand il fut présenté au vieux palais de la cité. C’était en 1180 ; il était venu dans la capitale à la suite de la nièce du comte de Flandre qui devait épouser Philippe-Auguste. Ce mariage, en quelque sorte imposé par l’influence de Philippe d’Alsace, parrain du jeune roi, exaspéra les partisans de la reine-mère, Alice de Champagne. Celle-ci, secondée par son frère le cardinal-archevêque de Reims et par les seigneurs champenois, cherchait en toute occasion à humilier les Flamands qui entouraient la jeune reine. C’était presque une querelle de race, et comme un souvenir de l’antagonisme qui avait autrefois régné entre le nord germanique et le midi gallo-romain. Bien que les trouvères d’Arras, de Mons et de Tournai eussent la parléure délitable, ceux de Champagne étaient préférés : on prétendait qu’ils savaient seuls reproduire la gentillesse des troubadours. Ils n’avaient pas ces locutions bizarres qu’on croyait pouvoir reprocher aux chansonniers flamands.

Mais au milieu de ces intrigues politiques et de ces disputes littéraires,