Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 2.djvu/243

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Looz, Arnould V. M. Ferdinand Henaux fait remarquer, à ce propos, que la désignation du comte de Looz n’était pas tout à fait arbitraire. La dignité de mambour, confirmée en 1101 par l’empereur Henri IV, avait été confiée aux membres de cette famille, advoués héréditaires de la cité. Rien ne prouve, d’autre part, que le droit de nomination ait été réclamé par le chapitre, à titre exclusif, antérieurement à 1281. A la vérité, le comte de Looz lui-même avait reconnu ce droit en 1295 et renoncé formellement à la prérogative de sa famille ; mais il était jeune alors, à peine responsable de ses actes, et en 1312, ajoute l’historien liégeois, l’âge l’avait éclairé. Quoi qu’on puisse penser à cet égard, le fait est que les Grands, à l’instigation des Waroux, protestèrent contre la conduite du chapitre. Ils lui dénièrent le droit de nommer un autre mambour que le comte de Looz, sans l’intervention des bonnes villes et des nobles. Mais quel était leur droit à eux-mêmes ? Quelles étaient les chances de succès ? Déposer verbalement Blankenheim, rien n’était plus aisé ; mais il fallait faire entendre raison aux communes ; il fallait du moins leur proposer le comte de Looz. On s’arrêta donc à la pensée de convoquer une assemblée générale du pays, pour vider le différend. Telle fut la résolution prise ouvertement à Huy ; mais au fond, on ne se proposait pas seulement de débattre des points de droit. Un complot s’organisait à la sourdine. La présence à Liége d’un grand nombre de chevaliers avec leur suite devait offrir l’occasion de tenter un coup de main décisif contre les bourgeois. Dans leur impatience, les nobles insistèrent pour que l’assemblée générale eût lieu immédiatement, bien qu’on fût à la veille des élections magistrales. Ils avaient acheté le maître à temps Dupont, et ils comptaient réussir assurément, grâce au concours de ce traître, si la séance se tenait à une époque où il serait encore en charge. Cet empressement parut suspect au chapitre : la réunion fut fixée au 3 août, c’est-à-dire après les élections : celles-ci, par parenthèse, donnèrent gain de cause au parti populaire. L’assemblée fut l’une des plus considérables qu’on eût encore vues ; les débats se prolongèrent ; il y eut des orages ; on ne parvint pas à s’entendre. Le comte de Looz, voulant gagner du temps, demanda une seconde séance. En quittant la salle, il dit en secret aux échevins « que ilh somonent et fache que la grant pestilenche qui est ajourd’hui ordinee soit fait par nuit ; et (ajouta-t-il) je m’en iray a Looz et vous amonray grant secours. » (Jean d’Outremeuse.) Il alla bivaquer hors de la ville avec quatre cents cavaliers ; mais il comptait bien reparaître au moment voulu. Dupont eut le soir un entretien avec les principaux conjurés, Surlet, Jacques de Coir, Jean de Saint-Martin et Thiry de Seraing. Ils devaient se saisir adroitement des principaux postes de la ville, mettre le feu aux loges des bouchers, et profiter de la confusion et de la panique qui s’ensuivraient pour tomber sus aux gens de la commune. Mais Arnould de Blankenheim avait les yeux ouverts : il surprit les projets des conjurés et s’occupa aussitôt de les déjouer. Les régents des métiers sont prévenus (quoique un peu tard, dit Loyens) ; les chaînes des rues sont tendues dans les vinâves ; les bouchers, emportant leurs couperets et leurs terribles espafuts, viennent occuper secrètement la halle aux viandes ; les drapiers, les vignerons, les tanneurs et les autres confréries populaires ont ordre de s’avancer vers le Marché, au premier signal de la cloche d’alarme (Polain, d’après Jean d’Outremeuse). Quant au mambour, revêtu de son armure, il se tient renfermé dans la cathédrale, avec les chanoines et leurs nombreux varlets, attendant avec résolution les événements qui se préparent. (Id.) Nous résumons, et c’est ce que nous avons de mieux à faire, le dramatique récit de M. Polain. Il n’est pas minuit, et déjà douze cents conjurés, environ, encombrent les abords de la halle. A l’intérieur, silence profond. Les torches sont allumées ; la flamme pétille : tout d’un coup les portes s’ouvrent avec fracas ; les bouchers, poussant d’épouvantables clameurs, se précipitent furieux sur les nobles. L’appel redoublé du beffroi retentit avec force. Un des chanoines,