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dans sa carrière, cette étape fut un pas rétrograde. Il nous reste à parler d’un autre genre de tableaux, que De Bles exécuta avec beaucoup de talent, mais avec un dévergondage d’imagination inouï. Ce genre consiste dans la fantasmagorie, les diableries, telles que les scènes d’enfer, les tentations de saint Antoine, etc. Nous pensons que l’artiste en a exécuté de tout temps, car, même dans ses premiers paysages, on remarque des rochers d’une bizarrerie extrême, qui témoignent d’une imagination déréglée, et le panneau du Colporteur dévalisé par des singes, de Dresde, fait pressentir l’Enfer du Dante, de Venise.

De Bles doit avoir énormément travaillé, car malgré les trois siècles et demi écoulés depuis sa mort, la nomenclature de ses œuvres existantes est des plus nombreuses. Nous citerons quelques-unes des principales. En Belgique, le Musée de Bruxelles a de lui une Tentation de saint Antoine, où nous ne pouvons admirer que certaines parties du paysage. Le Musée d’Anvers possède un Repos en Égypte dont M. Bequet conteste l’attribution. Or, cet écrivain a fait une étude approfondie de son compatriote ; il est permis de s’en rapporter à lui ; la chouette traditionnelle n’est pas une preuve péremptoire ; d’autres artistes que De Bles l’ont adoptée pour signature. Le Musée de Namur renferme une Pêche miraculeuse fort médiocre. Enfin, un particulier de Dinant possède une des meilleures productions de De Bles, un beau paysage de la première manière avec plusieurs scènes de la parabole du Bon Samaritain. Sauf le manque d’unité, ce panneau a toutes les belles qualités du maître ; en outre, il offre une particularité unique et des plus intéressantes : il est daté ; au-dessus du monogramme se trouve le millésime de 1511.

Parmi les grands musées de l’Europe qui ont des œuvres de l’artiste bouvignois, nous citerons Dresde, le Colporteur dépouillé par des singes ; c’est le tableau cité par Van Mander comme appartenant à un certain Martin Papenbroek.

Florence ; paysage : Travaux d’une minière, excellent tableau de la première manière ; on y retrouve assez facilement un site des bords de la Meuse, comme dans le Bon Samaritain.

Munich : Adoration des Rois ; elle appartient à la dernière manière ; mais c’est une œuvre des plus soignées. C’est la seule que l’auteur ait signée ; dans le coin du tableau, à gauche, on lit : Henricus Blessius F. ; la Salutation angélique, pendant du précédent.

Berlin : Repos en Égypte, Saint-Hubert, Adam et Ève.

Vienne : Fuite en Égypte, les Pèlerins d’Emmaus, Prédication de saint Jean, le Bon Samaritain.

Bâle : Sainte famille dans un paysage. « Ce tableau est la plus jolie production que nous ayions rencontrée dans tout l’œuvre de De Bles, » dit M. Bequet. Le même auteur ajoute un peu plus loin : « Le cadre qui entoure ce tableau mérite une mention spéciale. Il se compose d’un fronton supporté par deux riches colonnes qui reposent sur un large soubassement. Au centre du fronton, on a sculpté en demi-bosse le Père Éternel entouré d’anges ; la frise et le soubassement sont chargés d’ornements et de petites figures dorées qui se détachent sur un fond noir. C’est, nous a-t-on assuré, le cadre primitif du tableau. Sa richesse et son élégance nous prouvent l’estime dont jouissait cette peinture à l’époque où elle fut faite. Ajoutons que ce tableau provient de la collection Amerbach, fondée par le jurisconsulte bâlois Amerbach, ami d’Érasme et contemporain de Holbein et De Bles. Augmentée considérablement par son fils, cette collection fut achetée par la ville de Bâle, en 1661, après la mort du petit-fils de son fondateur. »

Venise : palais des doges, L’Enfer du Dante, grand panneau de deux mètres sur un mètre quatre-vingts centimètres environ. Cette scène baptisée ainsi, n’a aucune ressemblance avec la création immortelle du grand poëte. Il ne s’agit que des supplices variés à l’infini, infligés par d’horribles démons aux damnés. Tout ce que l’imagination la plus bizarre et en même temps la plus dévergondée