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tour. Le 4 août 1830, il fut proclamé doyen de la Faculté de droit, en remplacement de Delvincourt ; à ce titre, il devint ipso jure membre du conseil des hautes études. Peu de temps après, il reçut la croix de la Légion d’honneur ; la rosette d’officier lui fut décernée en 1836. En 1841, le roi des Belges le nomma chevalier de son ordre. Quoique naturalisé Français depuis 1838, Blondeau ne se refroidit jamais envers son pays natal ; il y revenait périodiquement, et ses anciens amis pouvaient dire que son cœur était resté parmi eux. (D’Otreppe, Une fleur pour trois tombes, p. 78.)

Le 9 juillet 1833, l’Institut de France (Académie des sciences morales et politiques) l’associa à ses travaux ; en 1836, il fut élu correspondant de l’Académie royale de Belgique ; en 1838, de celle de Turin.

Se trouvant en dissidence de vues avec M. Villemain, ministre de l’instruction publique, Blondeau crut devoir, par dignité, déposer le fardeau du décanat en 1844. Bien que les infirmités de l’âge commençassent à se faire sentir, il ne put se résigner à une retraite absolue. Il avait la passion des voyages ; jusqu’à la fin de sa vie, il conserva l’habitude de s’absenter annuellement pendant plusieurs mois, dont la meilleure partie était régulièrement consacrée à la Belgique. Malgré ses souffrances physiques, on peut dire qu’il goûta le bonheur et le repos qu’il avait si bien mérités. Il rendit le dernier soupir dans sa charmante maison de campagne d’Ermenonville, au milieu des siens, entouré des soins les plus affectueux et les plus tendres. Sa dépouille mortelle fut déposée dans le cimetière du village.

Blondeau s’illustra comme professeur, comme jurisconsulte philosophe et comme écrivain : il doit être apprécié à ces trois titres. Sans être ce qu’on appelle un professeur brillant, il savait commander et retenir l’attention. « Vous assistez en quelque sorte, dit M. de Saint-Gresse, au travail de sa pensée ; c’est une analyse lente, quelque fois même pénible, et cependant cette analyse finit toujours par dégager l’idée et la revêtir d’une forme correcte. La vivacité des croyances juridiques ne se traduit pas chez M. Blondeau par l’accent animé de la voix et par la chaleur du style ; mais son argumentation froidement acharnée, impitoyable contre les doctrines qu’il attaque, et une certaine amertume dans le ton et dans les mots, trahissent les passions du jurisconsulte novateur aux prises avec la routine. »

Son cours avait l’incontestable avantage de faire réfléchir les auditeurs, de porter le doute dans leur esprit, de les empêcher de rester passifs. Partisan déclaré de la méthode dogmatique allemande, il présentait la science sous la forme d’une vaste synthèse ; au lieu de dégager successivement la doctrine des textes, suivant le procédé exégétique pratiqué par M. Ducaurroy, il formulait d’abord les grands principes, en tirait rigoureusement les conséquences et se servait enfin des textes comme de moyens de probation.

Il soumettait les institutions juridiques à une critique historique ou à une interprétation doctrinale ; mais, en cela d’accord avec M. Ducaurroy, il bannissait de son enseignement toute comparaison directe entre le droit romain et le droit français, en dépit de la loi organique des écoles de droit (du 22 ventôse an XII). Il se laissait très-peu dominer par l’étude des précédents ; l’histoire du droit n’avait même, à ses yeux, qu’une importance secondaire. C’était, comme on le verra tout à l’heure, une conséquence de sa philosophie. Mais il estimait chez les jurisconsultes romains « ce qu’il appelait lui-même l’art, c’est-à-dire la manière de mettre en œuvre les matériaux du droit, ce qui comprend, dit très-bien M. Valette, la netteté des principes, la logique des déductions, l’élégance du langage, enfin l’ordre convenable dans l’arrangement des idées et des mots. » C’est l’exemple des anciens qu’il voulait proposer aux modernes ; c’est surtout à ce point de vue qu’il appréciait l’utilité de l’étude du droit romain. Quels immortels modèles ! s’écriait-il ; quelle immense variété d’espèces ! Quelle ampleur dans les théories générales, par exemple sur l’imputabilité