Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 2.djvu/374

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listes de proscription furent dressées et pendant la nuit du 29 au 30 octobre tous ceux contre lesquels le tribun nourrissait des projets de vengeance, furent arrêtés et jetés en prison. Un acte d’accusation en soixante-quatre articles, aussi odieux qu’absurdes, fut formulé contre le seigneur de Boucle. Quand le prince de Parme apprit l’arrestation de ce magistrat et de tant de personnages recommandables qui désiraient réconcilier le roi avec ses sujets, il usa de l’ascendant qu’il avait acquis sur l’esprit d’Hembyse, pour les arracher à leur malheureux sort. Hembyse, lié par les engagements secrets contractés envers le prince espagnol, consentit, malgré lui, à l’élargissement de ses prisonniers. Le seigneur de Boucle quitta sa ville natale et n’y revint que lorsque la tête d’Hembyse eut roulé sur l’échafaud. Il y vécit entouré de l’estime et du respect de ses concitoyens. Le 21 juin 1597, Borluut rendit son âme à Dieu; sa dépouille mortelle fut transportée à Bouele-Saint-Denis où elle gît sous une tombe de marbre placée dans le chœur de l’église paroissiale. Ce monument a été détruit, il y a peu d’années, par ordre de la fabrique de l’église. Josse Borluut, seigneur de Boucle-Saint-Denis, avait épousé sa parente, Philippote Borluut, dont il eut plusieurs enfants.

Après avoir esquissé la biographie de ce grand citoyen, il convient de tracer celle de son frère Gilles, dont la vie politique se confond pour ainsi dire avec celle de son frère aîné.

Borluut (Gilles), de même que son frère, le seigneur de Boucle, était chevalier de Saint-Jean de Jérusalem et, comme lui, il se mêla à tous les événements qui surgirent à cette époque de troubles et de guerre civile. Un auteur contemporain, grand adversaire politique des frères Borluut, rapporte qu’étant à l’Université de Padoue ils furent poursuivis par le Saint-Office du chef d’hérésie. Revenus dans leur patrie ils se rangèrent sous le drapeau des défenseurs de la liberté. Gilles Borluut devint pensionnaire de Gand et usa du droit que cette charge lui conférait pour faire connaître au roi combien la nation était fatiguée du joug qui pesait sur elle.

C’était en 1559, peu de temps après qu’un autre membre de cette famille, le seigneur de Schoonberghe, dont il a été question plus haut, eut échoué dans sa mission auprès du roi Philippe II, qui, avant de partir pour l’Espagne, avait voulu réunir les états généraux à Gand, pour remettre solennellement le pouvoir entre les mains de la duchesse Marguerite de Parme. Après que le cardinal de Granvelle eut terminé sa harangue, Gilles Borluut prit la parole. Il promit, au nom des états dont il était l’organe, obéissance et respect à l’autorité de la duchesse; puis, passant à l’énumération des griefs dont les Belges demandaient le redressement, il pria le roi qu’à l’exemple de l’empereur Charles-Quint, il daignât retirer les armées espagnoles pour les remplacer par des troupes nationales, qui mieux que des étrangers sauraient conserver au roi l’héritage que lui avait laissé son illustre père. « Il en est de même, dit-il, des hautes fonctions qui jusqu’à ce jour ont été confiées à des mains étrangères, tandis qu’elles devraient être occupées par des seigneurs du pays. Les Pays-Bas, tels qu’ils sont gouvernés aujourd’hui, ressemblent plutôt à une terre conquise qu’à une nation libre possédant son autonomie d’après laquelle elle a toujours eu le droit d’être gouvernée. »

Ces paroles semblaient prophétiser les malheurs qui allaient fondre sur le souverain et ses sujets; elles émurent vivement le roi, peu habitué à un tel langage. Il descendit de son trône en disant : « Et moi aussi je suis étranger; on veut donc me chasser également. » Toutefois, il promit de retirer les troupes espagnoles; mais cette promesse ne s’accomplit point et l’avenir prouva combien les avertissements du courageux pensionnaire de Gand étaient fondés.

A dater de cette époque le mécontentement alla croissant. Des conspirations s’ourdirent contre l’État et le catholicisme. Les émeutes ensanglantèrent toutes les provinces et spécialement la Flandre où la réforme religieuse comptait un grand nombre d’adeptes. Gilles Borluut