Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 2.djvu/422

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des assiégeants dans la ville conquise, il s’éleva avec énergie contre la barbarie du traitement que ses compagnons firent subir aux vaincus; il exposa sa vie pour arracher quelques victimes à la furie des vainqueurs, puis dépouillant ses armes, il entra pieds nus dans le Saint Sépulcre et courut demander au Sauveur des hommes le pardon des crimes dont venaient de se souiller ses compagnons.

Dix jours après la prise de Jérusalem, le 25 juillet 1099, les princes chrétiens se réunirent en conseil pour délibérer sur le choix à faire d’un roi qui pût défendre et garder Jérusalem au milieu des périls qui l’environnaient de toutes parts. On décida que l’on élirait le plus sage, le plus brave et le plus prudent entre tous les princes croisés. Après de longues et minutieuses investigations, le choix tomba sur Godefroid de Bouillon; mais ce héros pieux refusa d’accepter une couronne royale dans cette ville où le Sauveur du monde avait porté une couronne d’épines; il prit le simple titre d’avoué et baron du Saint-Sépulcre et s’occupa immédiatement de l’organisation de son gouvernement. Il avait à pourvoir à la défense du nouvel État, sans cesse exposé aux attaques des mahométans; il devait aussi lui donner des lois. Il ne négligea aucun de ses nouveaux et nombreux devoirs et l’esprit reste frappé d’admiration en présence de l’immensité des travaux que ce grand homme accomplit dans l’espace de moins d’une année.

En effet, il élève des fortifications sur les principaux points du pays; il fait face aux ennemis qui ne cessent de le harceler; il vole à la rencontre d’une armée innombrable commandée par le calife du Caire, lui livre bataille dans la plaine d’Ascalon (15 août) et l’anéantit au premier choc. Il tente ensuite de s’emparer du port d’Ascalon dont la possession lui paraît importante pour la sécurité du nouvel État; il met le siége devant Arsur, port sur la Méditerranée qui, dans sa pensée, doit plus tard faciliter l’arrivée de renforts venant de l’Occident; des jalousies, d’odieuses trahisons font échouer une partie de ses vastes projets, mais ne le découragent point et il amène adroitement les émirs de Césarée, de Saint-Jean d’Acre, d’Ascalon à se soumettre à un tribut. L’Ouest se trouve pacifié; il se tourne vers le Nord, franchit le Liban, marche contre le sultan de Damas pour punir le meurtre de ses ambassadeurs, en tire une éclatante vengeance et force cet orgueilleux sultan à acheter la paix.

Mais, ni les travaux de la guerre, ni les préoccupations politiques ne l’absorbent au point de lui faire oublier l’organisation intérieure de sa conquête: il faut des lois appropriées aux besoins de la terre sainte et aux usages des différentes nations dont se compose son gouvernement; il est indispensable aussi d’assurer l’ordre et la félicité publique. Godefroid pourvoit à tout: des tribunaux sont institués, des lois sont formulées, les Assises de Jérusalem sont écrites.

Ce code important, qui est le premier essai législatif qui ait été fait pendant le moyen âge, traitait d’abord du pouvoir souverain et des dignités du royaume; puis du pouvoir judiciaire, en définissant l’action des différents tribunaux; enfin il réglait les services militaires que les barons et les vassaux devaient à l’État. « C’est dans ces Assises, a dit excellemment M. Raepsaet, que nous devons chercher et que nous trouvons le code complet du droit public et civil de l’Europe; il a été rédigé immédiatement après le moyen âge, de concert, de l’aveu et de l’approbation de tous les souverains et grands vassaux de l’Europe; il a été rédigé sur le record des personnes les plus instruites de ce temps et suivant la jurisprudence générale de l’Europe, qui était fondée sur les usages dérivant des Capitulaires, dont les collections étaient égarées et qui n’ont été retrouvées que depuis. C’est le duc Godefroid de Bouillon qui fit le premier rédiger ces Assises en 1099; elles furent corrigées en 1250 et finalement arrêtées en 1369; saint Louis en tira ses Établissements en 1270, Beaumanoir, ses Coutumes et usages du Beauvoisis en 1285, qui renferment la jurisprudence du XIIIe siècle, et les compilateurs des Consueitudines feudorum ou corps de droit, y ont puisé