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ques années plus tard en combattant les Turcs. Philippe II récompensa la vaillance et les services de Henri de Bréderode en le nommant, en 1559, capitaine d’une des quatorze compagnies ou bandes d’ordonnance des Pays-Bas. C’était un brave gentilhomme, mais de mœurs légères, hardi et cynique même dans ses propos, gai convive, joyeux compagnon. Il avait hérité de son père de beaux domaines; il était comte de Bréderode et de Vianen, seigneur d’Almeyden, vicomte d’Utrecht, etc. Il épousa Amélie, comtesse de Nuenar, « vertueuse dame » , selon les expressions du baron de Montigny. Bréderode devint le plus actif auxiliaire de Guillaume le Taciturne, dont il reconnaissait la supériorité, et de Louis de Nassau, qu’il regardait comme un frère. D’une haute stature, d’une figure mâle et énergique, taillé pour la lutte, il se jeta avec impétuosité dans le parti qui voulait s’opposer à la tyrannie religieuse et politique de Philippe II. En 1565, lorsque le comte d’Egmont se rendit en Espagne pour rendre compte au Roi de la situation des Pays-Bas, Bréderode l’accompagna jusqu’à Cambrai où il se signala par la véhémence de sa haine contre le cardinal de Granvelle. Il signa de son sang l’acte par lequel il s’engageait à tirer vengeance sur le cardinal du tort qui pourrait être fait au comte d’Egmont. A Bréderode, cependant, n’appartient point l’initiative de la fameuse ligue ou confédération de la noblesse; il ne fut pas même au nombre des premiers signataires du Compromis. Le 21 janvier 1566, Marguerite de Parme écrivait au roi que Bréderode vivait encore en bon catholique. Et comme elle reprochait à ce seigneur, quelques jours après, de tolérer l’impression de livres hérétiques dans sa ville de Vianen, elle ne tarda point à recevoir des excuses et une justification. — Il était bien vrai, lui écrivait Bréderode, qu’il avait un imprimeur en sa ville de Vianen, mais il lui avait ordonné sur sa tête de ne rien imprimer, pas même une chanson, sans la révision préalable et l’approbation du curé de la ville et de deux autres gens d’Église délégués à cet effet. Lui-même naguère, soupçonnant que cet imprimeur avait contrevenu à ses ordres, l’avait retenu plus d’un mois dans ses prisons; mais il avait fallu le relâcher, puisque les enquêtes n’avaient pas démontré sa culpabilité. — Tout en proclamant sa déférence pour la gouvernante des Pays-Bas et son respect pour la religion catholique, Bréderode devenait le chef nominal des confédérés. Cédant aux suggestions de Louis de Nassau, et d’accord avec ses amis, il avait pris la résolution de présenter solennellement à Marguerite de Parme une requête pour demander l’abolition de l’inquisition et des édits qui menaçaient de peines horribles les « hérétiques. » Le 3 avril 1566, dans la soirée, Bréderode et Louis de Nassau entrèrent dans Bruxelles avec deux cents gentilshommes confédérés, tous à cheval et en équipage de guerre. En mettant pied à terre à l’hôtel de Nassau, Bréderode dit aux comtes de Hornes et de Mansfeld : « Quelques-uns avaient pensé que je n’oserais pas m’approcher de Bruxelles; eh bien, j’y suis, et j’en sortirai d’une autre manière peut-être. » Le 5 avril, Bréderode, s’étant rendu au palais de la gouvernante avec quatre cents confédérés, donna à la sœur de Philippe II lecture de la fameuse requête par laquelle les signataires du Compromis réclamaient la suspension de l’inquisition et la modération des édits religieux. La réponse de la gouvernante, qui leur fut remise le lendemain, ne les satisfit point. Bréderode réunit le soir ses compagnons dans un banquet à l’hôtel du comte de Culembourg et provoqua une mémorable manifestation contre l’épithète offensante dont s’était servi à leur égard un des seigneurs de la cour. Il déclara que, pour lui, il acceptait librement le nom de gueux, malgré la honte qui y était attachée, et que cela lui était égal de devenir en effet gueux et mendiant pour la cause du roi et de la patrie. Tous les convives ayant applaudi, Bréderode s’attacha une besace au cou, remplit de vin une écuelle de bois et but à la santé des gueux. Le 8 avril, Bréderode, avec quelques délégués, retourna au palais pour protester contre la ré-