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dut, le 7 avril 1805, son admission dans la Société de littérature, fondée cinq ans auparavant, par des jeunes gens d’élite, pour ne citer que Lesbroussart et de Stassart. La poésie légère, qui avait atteint son point de perfection en France dans le siècle auquel Van Bemmel appartenait par sa naissance et ses jeunes années, attira et retint les prédilections du poëte belge. Il profita d’un voyage qu’il fit à Paris vers cette époque (et la chose était plus rare alors qu’aujourd’hui) pour nouer d’amicales relations avec ce que les lettres françaises offraient alors de représentants éminents. C’est ce qui explique qu’à une époque où l’origine et le nom même de Van Bemmel devaient lui être de mince recommandation dans la capitale du goût, les rimes aisées de notre compatriote virent le jour presqu’en même temps à Paris, dans le Chansonnier des Grâces et l’Almanach des Muses, à Bruxelles dans l’Almanach poétique, à Gand, dans l’Annuaire poétique (1805-1806). En 1815, un nouveau régime plus favorable aux droits de la pensée, travaillait à réorganiser l’enseignement dans nos contrées. Il n’était pas facile de trouver des Belges aptes à remplir les fonctions de professeur dans les établissements d’instruction secondaire. Peu sans doute réunissaient autant de titres que Van Bemmel à l’attention du gouvernement des Pays-Bas et il fut chargé d’occuper au collège royal de Gand la chaire de poésie en remplacement de Lesbroussart. Sa nouvelle position lui fournit l’occasion de se lier d’amitié avec Cornelissen, Lesbroussart et Quetelet. Des gens de cet esprit n’étaient pas faits pour détourner Van Bemmel de ses propensions poétiques. Mais tout le monde n’avait pas la même bienveillance ; et, c’est pour répondre à quelque pédant, offusqué de ses goûts littéraires, que Van Bemmel écrivit les vers que voici, des mieux frappés assurément :

Vadius, grave et sérieux
Ne peut concevoir que ma muse,
Dans ses folâtres jeux s’amuse

A des chansons d’amour, à des refrains joyeux.
Il dit que mon état, que mes talents, mon âge,
Ne me permettent plus ce léger badinage,
Que je dois renoncer à la frivolité,
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Va, je fuis du pédant jusques à l’apparence,
Je méprise cet art de parler par sentence,
De marcher en mesure et de compter ses pas,
De donner à des riens une haute importance,
De citer des grands mots que l’on ne comprend pas,
Et de porter enfin sur chaque jouissance

La froide équerre et le compas.

Ces vers qui décèlent un heureux naturel, sont extraits de l’Almanach poétique de Bruxelles pour 1817, le quatorzième de la collection et le seul qui ait été imprimé à Gand. Il le fut, non pas, comme d’ordinaire, aux frais de la Société de littérature, mais à ceux de Van Bemmel sans que nous puissions indiquer la cause de cette anomalie. De 1804 à 1813, notre poëte collabora régulièrement à la même publication. En 1817, il le fit une dernière fois par l’insertion de plusieurs couplets, stances, romances ; il est à remarquer que dans l’une de ces dernières pièces intitulée : l’Incorrigible, la musique et la poésie sont du même auteur. Il semble qu’à partir de cette époque, il ait (comme on le disait alors) renoncé à courtiser les chastes sœurs. Il écrivit aussi pour le théâtre quelques bluettes dramatiques : Un petit mot pour rire. Le joli petit ménage, La bonne fille. En somme, Van Bemmel a beaucoup écrit, aussi bien en prose qu’en vers. Par malheur, ce sont toutes pièces détachées, tous opuscules difficiles à retrouver. Il serait à désirer que son fils réunît en un volume les feuilles éparses de la couronne littéraire de son père.

VanBemmel avait épousé Julie Schuermans, sœur du procureur du roi de ce nom qui a joué un rôle dans la révolution de 1830. Ils n’ont laissé qu’un fils, fondateur de la Revue Trimestrielle et professeur à l’Université de Bruxelles. Enl824, la santé de Ch. van Bemmel lui imposant le repos, il échangea sa chaire contre le siége de juge de paix à Bruxelles. Trois ans après (23 septembre 1827), la mort vint frapper le poëte, trop tôt assurément pour sa famille et pour ses amis, trop tôt aussi pour sa réputation littéraire, qui n’aurait pu que s’étendre et se fortifier, à mesure qu’il aurait produit, grâce à la verve facile qui paraît l’avoir caractérisé, de nouveaux morceaux de poésie remarquables par leur clarté, leur élégance