Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 3.djvu/107

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sont-ils pas des hommes? J’en ai vu, dans le nombre des courtisans les plus en faveur, entrer chez le roi, suivis de cent autres courtisans, et s’en retourner seuls sur un regard de colère que le roi avait jeté sur eux. Non, il n’y a point d’amis à la cour, et la cour reconnaît jamais que trop tard les véritables biens; ses principes sont toujours les fausses apparences du vrai. Les fourberies caractérisées d’adresse ou de politique, la renommée, les erreurs populaires y établissent le crédit. Heureux et cent fois heureux ceux qui s’y étaient engagés ou par ignorance ou par une folle ambition, et qui s’en retirent! »

Ferdinand n’accorda à Busbecq la permission de s’éloigner de sa cour, qu’a la condition qu’il y reviendrait aussitôt qu’il lui en donnerait l’ordre. Busbecq, en revoyant son pays, n’eut pas le bonheur d’y retrouver son père; cet homme de bien, qui avait veillé sur sa jeunesse avec tant de tendresse et de sollicitude, était mort en 1559. Son séjour en Flandre fut de courte durée; l’empereur Ferdinand ne tarda pas à l’appeler à Vienne, pour lui confier l’éducation des jeunes archiducs fils du roi des Romains. Il fit partie de la suite de Maximilien, lorsque ce prince alla se faire couronner roi de Hongrie à Presbourg, au mois de septembre 1563; là il fut honoré d’une distinction. qui n’était qu’une juste récompense des services qu’il avait rendus à la monarchie autrichienne : le roi le créa chevalier (equitem auratum) en présence et aux applaudissements de tous les ordres de l’État (publicè inspectantibus et grato applausu probantibus ac suffragantibus prælatis, proceribus, ordinibus et statibus regus). L’empereur Ferdinand, par des lettres du 3 avril 1564[1], conçues dans les termes les plus flatteurs pour lui, le décora à son tour du même titre. En 1570, les deux plus jeunes fils de Maximilien, Albert et Wenceslas, partirent pour l’Espagne avec l’archiduchesse Anne, qui allait épouser Philippe II, devenu veuf pour la troisième fois; Busbecq les y accompagna en qualité de gouverneur et grand maître d’hôtel[2]. Ils allaient remplacer à la cour de Madrid leurs frères aînés, les archiducs Rodolphe et Ernest, qui s’y trouvaient depuis le commencement de 1564. Ceux-ci reprirent le chemin de l’Allemagne au mois de mai 1571; Busbecq, qui y devait retourner avec eux, se démit de la charge qu’il remplissait auprès de leurs frères; à cette occasion, et pour reconnaitre les soins qu’il avait consacrés à l’éducation de ses neveux, Philippe II lui donna huit cents écus de pension, sa vie durant; il lui fit présent, en outre, d’une riche chaîne d’or à laquelle pendait son portrait avec celui de la reine. Le duc d’Albe, à cette époque, chercha à l’attirer à Bruxelles, où il aurait siégé à la fois au conseil d’État et au conseil privé : Busbecq ne put accepter les offres qui lui étaient faites; l’empereur Maximilien, qui depuis plusieurs années déjà l’avait nommé conseiller d’État, venait de l’attacher à la maison de ses fils.

L’archiduchesse Élisabeth avait épousé, en 1570, le roi de France Charles IX; ce prince étant, mort en 1574, elle retourna, l’année suivante, à Vienne. Est-ce alors que Busbecq fut revêtu de la charge de grand maître de sa maison? Cela est probable; mais nous manquons de renseignements certains à cet égard[3]. Nous sommes dans la même incertitude sur la date de l’envoi de Busbecq en France, pour y administrer les domaines sur lesquels avait été assigné le douaire d’Élisabeth[4]. N’est-il pas surprenant que,

  1. Elles sont dans Buzelinus, Gallo-Flandria.
  2. Ces deux titres lui sont donnés par Wyts.
  3. Tous les biographes rapportent que Busbecq accompagna Elisabeth en France en 1570; qu’elle l’y chargea de la gestion de ses affaires, et l’y laissa, pour l’administration de ses domaines, quand elle retourna en Allemagne. Nous avons établi, d’après des documents authentiques, qu’en 1570 Busbecq alla en Espagne et non en France, et que, l’année suivante, il repartit pour Vienne. On voit par là comme les erreurs s’accréditent et se perpétuent. Quant à la charge de grand-maître de la maison d’Élisabeth, elle ne put évidemment être donnée à Busbecq qu’après que la reine eut quitté la cour de France; on n’aurait pas admis à cette cour qu’un étranger fut revêtu d’une telle dignité.
  4. De Thou, si bien informé en général et si judicieux, nous parait être tombé, à ce propos, en une contradiction : il dit (livre LX) qu’en partant pour l’Allemagne, la reine Élisabeth commit le soin de ses affaires à Busbecq, et plus loin, qu’elle choisit Pierre de Gondy, évêque de Paris, pour lui confier, avec quelques autres personnes, l’administration des terres sur lesquelles était hypothéqué son douaire.