Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 3.djvu/255

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violente qui se complique bientôt d’une pleurésie aiguë. Il veut, selon sa coutume, essayer de vaincre le mal par la diète ; mais son état empire de jour en jour. Les craintes de ceux qui entourent le malade augmentent aussi ; et, dans leur terreur superstitieuse, ils remarquent toute sorte de prodiges et de signes étranges qui les avertissent de sa fin prochaine. Ces signes ne les trompent pas. En effet, le 28 janvier, à la troisième heure du jour, Charlemagne expire doucement, après avoir reçu, la veille, des mains de Hildebald, archevêque de Cologne, les derniers secours que l’Église donne aux mourants. Il était âgé d’environ soixante et onze ans ; il en avait régné quarante-sept ; et, pendant quatorze ans, il avait porté la couronne impériale. (Einhard. Vit. Karol. cap. xxx et xxxii ; Ejusd. Annal. ad ann. 814 ; Thegan. Vit. Ludov. Pii, cap. vii.)

Le même jour on déposa son corps dans le sanctuaire de Notre-Dame d’Aix-la-Chapelle, et sur l’arcade dorée du caveau où il fut enfermé, on traça l’inscription suivante :

Sub hoc
conditorio situm
est
corpus caroli magni orthodoxi imperatoris,
qui regnum francorum nobiliter ampliavit
et per
annos XLVII feliciter rexit.
Decessit septuagenarius
anno Domini DCCCo XIIIIo, indictione VII,
V kal. febr.

Au rapport d’un moine qui fut à peu près contemporain, le mort était revêtu des insignes de sa majesté, ceint d’une épée d’or et assis sur un siége du même métal ; il tenait d’une main le sceptre de l’Empire, de l’autre le livre des Évangiles ouvert sur ses genoux, et avait sur la tête une couronne d’or suspendue à la voûte du caveau, et à ses pieds un bouclier d’or que le pape Léon III avait bénit en conférant au vivant l’onction impériale. Lorsque l’empereur Othon III fit ouvrir, en l’an 1000, le caveau funèbre, il y trouva le cadavre de son glorieux prédécesseur dans cette même attitude et dans le même attirail. (Chron. de Saint-Denis, ad ann. 814 ; Chron. Novalic. lib. III, cap. xxxii.) Un siècle et demi plus tard, le 29 décembre 1165, l’empereur Frédéric Barberousse voulut contempler à son tour ces illustres ossements. Accompagné de Raynold, archevêque de Cologne, d’Alexandre, évêque de Liége, et d’un nombre considérable de clercs et de seigneurs, il fait relever et enfermer solennellement dans une châsse de vermeil les restes du fondateur de l’empire d’Occident. On ignore aujourd’hui l’endroit où se trouvait le caveau impérial, et les fouilles pratiquées en 1843 dans le dôme d’Aix-la-Chapelle n’ont pu amener la découverte du lieu où le cadavre de Charlemagne a été assis, pendant trois cent cinquante et un ans, dans sa gloire solitaire et muette, mais d’où il répandit tant de lumineux rayons sur la terre. On sait que l’empereur fut inscrit au catalogue des sains par l’antipape Pascal III. Mais on ne doit pas oublier que deux écrivains contemporains de Charlemagne, Hetto, auteur de la Vision de Wettin, et Walafried Strabo, disciple d’Alcuin et traducteur poétique de l’œuvre de Hetto, avaient cru devoir placer l’âme du saint de Pascal dans le purgatoire. (Hetton. Visio Wettini, ap. Mabillon. Act. SS. Ord. S. Benedicti, Sæcul IV, part. I, p. 249 ; Walafrid. Strabon. ap. Dom Bouquet, tom. V, p. 399). Qu’on soit de l’avis de Pascal III ou de l’avis de Hetto et de son traducteur, Charlemagne n’en demeure pas moins une des plus grandes personnalités que l’histoire puisse mentionner. Cependant que reste-t-il de cette gigantesque figure ? Rien, si ce n’est un crâne et quelques ossements conservés dans la châsse de Frédéric Barberousse. Mais ces ossements disloqués ne sont-ils pas le symbole visible de l’Empire d’Occident lui-même ?

André van Hasselt.

CHARLES MARTEL. Maire du palais et duc des Francs. Dans la nuit du 16 au 17 septembre de l’an 698, selon les uns (Cod. Aureæ Vallis, apud Chapeauville, I, p. 122), de l’an 700 selon les autres (Sigebert. Gemblac. Chronogr. Ibid.), un crime horrible épouvanta Liége, qui n’était encore à cette époque qu’une simple bourgade. L’évêque de Maestricht, Lambert, venait d’être assassiné avec deux de ses compagnons dans un oratoire bâti autre-