Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 3.djvu/268

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

verner par les Croy comme vous ; il n’y a que trop longtemps qu’ils font de vous à leur volonté. » Au comble de la fureur, le duc chassa son fils, lui ordonna de quitter ses États, et le poursuivit même l’épée à la main. Retiré à Termonde, Charles finit par écouter les sages conseils du chancelier Raulin : il se réconcilia avec son père, après avoir consenti à renvoyer de sa maison deux serviteurs qui passaient aussi pour avoir beaucoup de pouvoir sur lui. Mais ce ne fut qu’une trève. En 1461, Charles qui, à cette époque, résidait le plus souvent au Quesnoy, revint soudainement à la cour de son père, et, lui ayant demandé audience, porta, devant le conseil, une accusation formelle contre le plus puissant des Croy. Le duc l’interrompit et, se tournant vers son favori, « faites en sorte, dit-il, que mon fils soit content de vous. » Charles retourna au Quesnoy, sans avoir voulu ouïr les explications et les excuses de son adversaire. Avec son assentiment, le comte de Saint-Pol vint trouver Charles VII à Bourges et lui confia le dessein qu’avait le jeune prince de recourir à la force pour mettre le sire de Croy hors de l’hôtel de son père. Il demandait, pour le cas où il faudrait se soustraire au déplaisir de celui-ci, asile à la cour de France, s’offrant de commander l’armée que le roi allait, disait-on, envoyer en Angleterre. Mais Charles VII répondit qu’il ne se prêterait jamais à ce que M. de Charolais usât d’aucune voie de fait dans l’hôtel de son père. Il mourut le 22 juillet, et le dauphin, quittant le château de Genappe, s’achemina vers Reims. Le duc de Bourgogne et son fils le rejoignirent à Avesnes, assistèrent au sacre du nouveau roi, puis l’accompagnèrent à Paris. Le comte de Charolais, après avoir brillé dans les joutes qui suivirent l’avénement de Louis XI, se rendit en Bourgogne, où il n’était plus venu depuis son enfance ; il fit un pélerinage à Saint-Claude, et, lorsqu’il revit à Tours le nouveau roi, celui-ci le fit gouverneur de la Normandie avec une pension de trente-six mille livres.

Au mois de février 1462, Charles, se trouvant au Quesnoy, apprit que son père était tombé gravement malade à Bruxelles. Il sa hâta d’accourir, le veilla constamment, passant jusqu’à quatre jours sans se coucher, et, par ce témoignage d’affection filiale, regagna la confiance de Philippe le Bon. Le vieux duc lui en donna une preuve éclatante en autorisant l’arrestation d’un de ses plus grands familiers, Coustain, premier valet de chambre, que le comte de Charolais accusait d’avoir comploté son empoisonnement. Charles le fit mener à Rupelmonde, où il fut jugé et décapité. Mais l’héritier de Philippe n’avait pas encore obtenu l’éloignement des Croy, auxquels il reprochait justement d’être dans la dépendance de Louis XI et de desservir les intérêts de la maison de Bourgogne. En effet, sous leur influence fatale, Philippe avait consenti au rachat par Louis XI des villes de la Somme, qu’il détenait depuis le traité d’Arras. Charles, s’étant retiré à Gorcum, convoqua les États de Flandres à Anvers, tandis que son père les convoquait à Bruges (janvier 1464). Un grand nombre de députés se rendirent à l’appel du comte de Charolais. Il leur révéla que son père, se proposant d’aller combattre les Infidèles, voulait, d’après les suggestions des Croy, remettre ses provinces du Midi au pouvoir du roi de France et sous le gouvernement du comte de Chimai, tandis que les pays de Hollande et de Zélande seraient livrés au roi d’Angleterre ; il conjura les députés de mettre obstacle à ces projets et de le réconcilier avec son père. Par leur intervention, les principaux membres des états réussissent à amener une réconciliation momentanée. Bientôt le comte de Charolais réclame avec plus de véhémence que jamais l’éloignement des puissants favoris (1465), et comme Philippe le Bon résiste encore, l’héritier de la maison de Bourgogne adresse aux principales villes des Pays-Bas un manifeste où il résume énergiquement ses griefs contre les Croy. Il s’empare de fait du gouvernement, arrache à son père le bannissement de ceux qui l’ont dominé si longtemps, et, le 25 avril, devant des représentants de toutes les provinces réunis à Bruxelles sous la présidence du