Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 3.djvu/273

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core accroître : il aspirait à la dignité impériale. Oui, il désirait de s’élever au-dessus de ce roi de France qui, pour parler comme un chroniqueur, avait toujours la dent sur lui. « Je l’ay empris, disait sa divise, bien en aviegne ! » Déjà, par un traité conclu en 1469, Charles avait acquis du duc Sigismond d’Autriche le landgraviat d’Alsace et le comté de Ferrette. En 1473, il accomplit la conquête de la Gueldre. Le 30 septembre de cette année, il arrivait à Trèves, où l’attendait l’empereur Frédéric III. Depuis 1470 il était question du mariage de l’héritière de Bourgogne avec l’archiduc Maximilien d’Autriche. Charles ne refusait pas son consentement, mais à la condition d’être élu roi des Romains : il arriverait ainsi au trône impérial, soit à la mort de Frédéric III, soit plus tôt, par le bon plaisir de celui-ci, et alors il ferait à son tour nommer son beau-fils héritier présomptif de l’Empire. Ce projet ne souriait point à Frédéric : il inclinait, lui, à ériger les états de Bourgogne en royaume, avec la réserve que la couronne qu’il donnerait au duc serait considérée comme un fief impérial. Les négociations se prolongèrent en ce sens jusqu’à ce qu’il fût enfin décidé que le couronnement de Charles aurait lieu, le 25 novembre, dans l’église de Saint-Maximin. Mais la veille l’empereur quitta clandestinement Trèves. Il avait cédé à la jalousie, au mécontentement des électeurs dont quelques-uns étaient présents et dont d’autres avaient leurs représentants près de lui ; et ce mécontentement était encore excité par des agents de Louis XI et par les violentes protestations des villes libres du pays rhénan, lesquelles redoutaient la domination bourguignonne. On assure cependant que, si le duc se fût prêté de bonne grâce à accorder sa fille avant la cérémonie du couronnement, l’empereur eût regardé l’opposition des électeurs et du roi de France comme un piége et qu’il eût passé outre. Charles supporta sans colère l’échec qu’il venait d’éprouver ; après avoir passé l’après-midi du 25 à donner des audiences, il quitta Trèves vers le soir. L’empereur lui avait envoyé un de ses chambellans pour l’assurer que son départ avait été motivé par des affaires urgentes et que l’arrangement discuté entre eux n’était qu’ajourné. Mais ce projet, destiné à consacrer et à perpétuer la grandeur de la maison de Bourgogne, ne devait jamais se réaliser. Charles allait être entraîné dans une lutte où il trouva, avec sa ruine, une fin lamentable.

D’après les consciencieuses recherches d’un historien moderne, le duc de Bourgogne, qui tenait à édifier son royaume de Gaule belgique, ne fut ni l’instigateur ni le provocateur de l’imprudente guerre de Suisse : il prouva même, par une ambassade solennelle envoyée dans les cantons, qu’il ne demandait qu’à vivre en paix avec ceux-ci. Charles ayant formellement refusé de sanctionner ou de favoriser les projets de l’Autriche contre les ligues Suisses, l’archiduc Sigismond renonce à l’alliance bourguignonne, et, grâce aux machinations du roi de France, parvient à s’unir lui-même aux confédérés. La tyrannie exercée sur l’Alsace par Pierre de Hagenbach, lieutenant de Charles, est l’occasion ou le prétexte de ce profond changement. Le peuple se soulève, l’archiduc Sigismond reprend possession du pays ; le représentant du duc de Bourgogne est arrêté, jugé par un tribunal extraordinaire, et décapité. Charles lance alors une proclamation par laquelle il interdit toute relation et tout commerce entre ses propres sujets et ceux de l’Autriche et des cités alliées. Il ne se borne point à mettre des troupes sous le commandement d’Étienne de Hagenbach, qui brûlait de venger son frère ; il vient lui-même s’établir dans une position qui devait, dans son opinion, assurer le succès de ses opérations sur le haut Rhin. Comme le pape l’avait prié de surveiller l’archevêché de Cologne, où Bernard de Bavière, parent de la maison de Bourgogne, trouvait un compétiteur redoutable, Charles saisit ce prétexte pour venir assiéger Neuss, que défendait Herman de Hesse, l’adversaire du prince bavarois. Tandis que, au mois de juillet 1474, l’armée bourguignonne campait devant Neuss, la haute Alsace, où commandait Étienne de Hagenbach et le comte de Blamont, était livrée à des bandes moins disciplinées. La dévasta-