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bourg, venu avec lui des Pays-Bas. Quelques jours après, M. de Chièvres, accompagné du grand chancelier et de plusieurs autres ministres espagnols et belges, va conférer, à Montpellier, avec les ambassadeurs de France, sur différents points qui étaient en contestation entre les deux couronnes; cette conférence reste sans résultat.

Dans les premiers jours de juillet, Charles reçoit la nouvelle que les électeurs, assemblés à Francfort, l’ont unanimement, le 28 juin, élu roi des Romains et futur empereur. Son ambition voyait par là tous ses vœux remplis : pour parvenir à la dignité impériale, il n’avait rien épargné, ni les dons, ni les promesses, ni les pensions, en faveur de ceux qui pouvaient la lui procurer. Les rois ses prédécesseurs, et lui jusqu’alors, n’avaient été traités que d’Altesse; il se fait donner dorénavant le titre de Majesté. Au mois d’octobre, la peste qui régnait à Barcelone l’engage à aller s’établir à Molin del Rey; c’est là que, à la fin de novembre, le comte palatin Frédéric lui apporte le décret de son élection, avec une lettre du collége électoral qui l’invitait à se rendre aussi tôt que possible en Allemagne. Il se hâte de terminer les affaires qui le retenaient dans la Péninsule. Il presse les cortès de Catalogne d’achever leurs délibérations. Il renonce à aller se faire inaugurer à Valence, et y envoie le cardinal évêque de Tortosa, pour prêter serment et le recevoir en son nom. Le 23 janvier il part de Barcelone, traverse l’Aragon sans passer par Saragosse, s’arrête neuf jours à Burgos, visite la reine sa mère à Tordesillas, et arrive le 26 mars à Saint-Jacques en Galice, où il avait convoqué les cortès de Castille. Il ouvre en personne leur session le 1er avril, leur expose les raisons majeures qui le forcent de se rendre dans la Germanie, leur demande un service[1] extraordinaire, et les requiert de demeurer, pendant son absence, en paix et tranquillité. Son départ causait en Castille un mécontentement général, et déjà, sur plusieurs points du royaume, se manifestaient les symptômes des troubles qui devaient bientôt y éclater : le service n’est voté que par la majorité des villes.

Le 20 mai 1520, Charles s’embarque à la Corogne, laissant pour gouverneur des royaumes de Castille et de Navarre le cardinal de Tortosa, pour gouverneur et capitaine général d’Aragon don Juan de Lanuza, et don Diego Hurtado de Mendoza, comte de Melito, pour vice-roi de Valence. Le 25 il fait jeter l’ancre sur la côte d’Angleterre; le lendemain il débarque à Douvres. Henri VIII vient l’y trouver; ils vont ensemble passer deux jours à Cantorbery, où était la reine Catherine d’Aragon, et ne se séparent qu’après avoir échangé les protestations d’une amitié inaltérable. Charles reprend la mer le 31. Le jour suivant il aborde à Flessingue. L’archiduchesse Marguerite, que, par des lettres données à Barcelone (1er juillet 1519), il avait nommée régente des Pays-Bas, l’attendait à Gand avec l’archiduc Ferdinand : tous trois partent pour Bruxelles, où, le 26 juin, Charles assemble, en sa présence, les états généraux. Il avait besoin d’argent pour les dépenses de son couronnement en Allemagne; il fait appel à leur libéralité. Le 3 juillet il part pour Gravelines. Il y reçoit la visite de Henri VIII, qu’il accompagne à Calais : là, le 14, les deux souverains signent une convention par laquelle ils resserrent leur alliance. Charles reprend ensuite le chemin de la Flandre et du Brabant. A Louvain, où il arrive le 23, des dépêches lui parviennent d’Espagne qui lui causent les plus graves soucis.

Nous avons, dit le fâcheux effet qu’avait produit en Castille son départ de ce pays. Ce n’était pas le seul grief qu’eussent contre lui les Castillans. Ils se plaignaient du peu de cas qu’il faisait de leur nation et des preférences qu’il montrait pour les Belges; ils étaient blessés du pouvoir que s’arrogeait son ancien gouverneur, devenu son grand chambellan, Guillaume de Croy; ils trouvaient mauvais, et avec raison, qu’il eut conféré à M. de Chièvres la charge éminente de grand trésorier du royaume; ils étaient

  1. Service était le mot usité en Castille, comme aide et subside aux Pays-Bas.