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Nassau; mais personne ne remplaça M. de Chièvres dans sa confiance et sa faveur.

Cependant François Ier, mortifié de la préférence que les électeurs de l’Empire avaient donnée au roi d’Espagne, cherchait à s’en venger en faisant la guerre à celui qui avait été son rival heureux. Sous le prétexte de soutenir les prétentions d’Henri d’Albret sur la Navarre, il rassemblait des troupes pour envahir ce royaume; à son instigation, et avec son aide, Robert de la Marck, seigneur de Sedan, alléguant de prétendus torts qui lui auraient été faits, venait d’entrer à main armée dans la province de Luxembourg, où déjà il s’était emparé de plusieurs villes. Charles, en ce moment, se voyait délivré d’inquiétude du côté de l’Espagne : il avait reçu la nouvelle que le connétable et l’amirante de Castille avaient mis en déroute, à Villalar, l’armée des comuneros, et fait prisonniers leurs principaux chefs (24 avril); que, à la suite de cette défaite, toutes les villes qui formaient la ligue des comunidades étaient rentrées dans le devoir. Il accourt aux Pays-Bas afin de hâter, par sa présence, les mesures que l’agression de Robert de la Marck rend nécessaires. Le 17 juillet il assemble les états généraux à Gand : la conduite déloyale du roi de France, les actes d’hostilité qu’il a faits déjà et ceux qu’il prépare contre les Pays-Bas sont les motifs invoqués, en son nom, pour demander des subsides que les provinces votent avec empressement. Il avait réclamé le secours de Henri VIII contre l’infracteur de la paix de Noyon : il se rend à Bruges, où le cardinal Wolsey vient s’aboucher avec lui; le 14 août un traité est conclu en cette ville par lequel Henri et Charles s’engagent à assaillir la France par terre et par mer. Un autre traité, auquel le pape intervient, est signé entre eux à Calais le 24 novembre suivant; il y est stipulé qu’au printemps l’empereur se rendra en Espagne, pour la pacifier; qu’une flotte anglaise l’escortera; 'qu’il aura d’abord une entrevue avec le roi Henri; qu’au mois de mars de l’année suivante, les deux parties contractantes attaqueront la France. Charles avait ordonné au comte de Nassau, général en chef de ses troupes, de mettre le siége devant Tournai; il se rend à Audenarde, afin de suivre de plus près les opérations militaires[1]; il apprend là, presque en même temps, que Tournai et Milan ont été conquis par ses armes : car l’Italie aussi était le théâtre de la guerre. Il unit Tournai et le Tournaisis au comté de Flandre (février 1522).

Avant de s’éloigner des Pays-Bas, il avait à cœur de mettre la dernière main au règlement de ses affaires de famille. Déjà il avait transigé avec l’archiduchesse Marguerite au sujet de la succession de l’empereur Maximilien; moyennant deux cent mille florins d’or, elle avait renoncé à la part qui lui en revenait (18 septembre 1520) : il s’accorde avec l’archiduc Ferdinand sur le partage de la succession de son père et de son aïeul, abandonnant à son frère puîné les États héréditaires d’Allemagne et conservant tous les autres (7 février 1522). Suivant sa coutume, il assemble les états généraux à Bruxelles, pour leur faire ses adieux; il leur annonce que, cette fois encore, il a investi de la régence du pays, pendant le temps de son absence, l’archiduchesse sa tante; il leur dit l’accord qu’il a fait avec son frère, et les informe qu’il l’a nommé son lieutenant dans l’Empire. Le 27 mai il s’embarque à Calais. Il est reçu à Douvres par le cardinal Wolsey; le lendemain le roi vient lui-même l’y trouver. Le 6 juin Charles et Henri entrent ensemble à Londres, « non-seulement en estat de frères conjoints en ung même vouloir, mais habillés tous deux d’une parure et avec toutes les cérémonies accoutumées comme si l’empereur deust estre receu roy en Angleterre[2]. » Ils avaient appris la veille que le héraut Clarence, envoyé par Henri à François Ier

  1. Martin du Bellay rapporte que, les Français ayant passé l’Escaut, le 23 octobre, près de Bouchain, l’empereur, qui était à Valenciennes, en eut un tel désespoir que la nuit il se retira en Flandre. Rien de plus inexact. Charles-Quint avait quitté Valenciennes dès le 20 octobre, pour venir à Audenarde, où il arriva le 22 : la veille il coucha à Ath. C’est ce qu’attestent les comptes du receveur de sa chambre, conservés aux archives de Lille.
  2. Lettre de Charles-Quint au seigneur de la Chaulx, du 9 juin 1522. (Analectes Historiques, t. II, p. 25.)