Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 3.djvu/285

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pour le défier, s’était acquitté de sa mission. Les deux monarques vont passer une dixaine de jours à Windsor, où Henri VIII tient un chapitre de l’ordre de la Jarretière. Charles prend congé de son hôte royal à Winchester, et le 6 juillet il monte sur le navire qui doit le conduire en Espagne. Il débarque à Santander le 16.

Un événement que Charles était en droit de considérer comme des plus heureux pour lui et pour ses affaires s’était récemment accompli : son ancien précepteur avait été appelé, le 9 janvier 1522, à occuper le siége pontifical, vacant par la mort de Léon X. Au moment où il revenait en Espagne, Adrien se trouvait à Tarragone, occupé des apprêts de son passage en Italie. Charles lui envoie le seigneur de Zevenberghe, chargé de lui exprimer le plaisir qu’il aurait à le voir, et l’intention de se transporter auprès de lui, s’il veut différer de quelques jours son départ. Adrien s’en excuse sur les instances qui lui sont faites de toutes les parties de l’Italie pour qu’il hâte son arrivée dans la ville éternelle. Charles alors se dirige vers Valladolid. A Palencia il tient conseil sur le parti à prendre à l’égard des chefs des comuneros qui étaient détenus en prison : il est décidé que le procès sera fait aux plus compromis d’entre eux; huit sont condamnés à mort et exécutés. Charles arrive à Valladolid le 26 août; il va, quelques jours après, visiter la reine sa mère à Tordesillas; il envoie une ambassade en Portugal, pour en ramener la reine Éléonore, qui avait perdu son époux. Toute la Castille attendait avait anxiété la détermination à laquelle s’arrêterait l’empereur à l’égard des corporations et des individus qui avaient pris une part active au soulèvement des comunidades : le 28 octobre, sur une estrade dressée au milieu de la Plaza Mayor de Valladolid, Charles, entouré des grands, des ministres, des conseils de gouvernement et de justice, fait donner lecture d’un acte d’amnistie qui s’étendait à tous les crimes et délits commis depuis le commencement de la rébellion. La plupart des historiens espagnols, et Sandoval surtout, rendent hommage, à cette occasion, à la clémence et à la générosité de l’empereur; Robertson parle de l’amnistie dans les mêmes termes, tout en l’attribuant à un calcul de prudence autant qu’à un sentiment de générosité. Un historien de notre temps, M. Lafuente, se refuse à confirmer ces éloges; il va même jusqu’à se demander s’il n’y eut pas dans l’acte de Charles-Quint plus de cruauté que de clémence : le grand nombre de personnes exceptées de l’amnistie est la raison qu’il donne à l’appui de sa critique[1]. Il ne révoque pourtant pas en doute l’assertion de Sandoval que, de toutes ces personnes, il n’y en eut pas deux qui furent punies; il ne conteste pas non plus ces paroles de l’empereur à un courtisan qui était venu lui découvrir le lieu où était caché l’un des plus considérables d’entre les proscrits : Vous auriez mieux fait d’avertir Hernando de Avalos de s’en aller que de me le dénoncer pour queb je le fasse prendre[2].

Des troubles plus sanglants encore que ceux de la Castille avaient agité le royaume de Valence dans le temps que l’empereur était aux Pays-Bas et en Allemagne. Là le peuple, vexé, opprimé par les nobles, s’était soulevé contre eux, avait pillé leurs maisons, ravagé leurs terres, attaqué leurs châteaux. Plein de respect d’abord pour l’autorité royale, qui dans le principe avait favorisé ses prétentions, il s’était mis en état d’hostilité contre elle dès qu’elle avait voulu réprimer ses excès. Partout les artisans avaient dépossédé de force les magistrats qui exerçaient le pouvoir municipal, pour se substituer à eux. A Valence les chefs du mouvement populaire s’étaient, au nombre de treize, con-

  1. Historia general de España, t. XI, pp. 248 et suivantes.
         M. Lafuente avance qu’il y eut près de trois cents personnes exceptées, et, dans la liste qu’il en donne, on en compte seulement cent vingt-cinq. Il ne s’explique pas sur la différence qu’il y a entre ces deux chiffres.
        Sandoval manque de précision sur ce point. Dans le § XXXI, liv. IX, il parle de soixante ou quatre-vingts exceptions, et il dit dans le § XXXV : « Il y eut environ deux cents personnes exceptées du pardon général. »
        Il est à remarquer que les exceptions comprenaient ceux qui avaient péri ou qui avaient été exécutés.
  2. « Mejor uviérades hecho en avisar à Hernando de Avalos que se fuese, que no à mi que lo mandasse prender. » (Sandoval, liv. IX, § XXXV.)