Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 3.djvu/295

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ces du sang, des cardinaux, des seigneurs de sa cour et des ministres des princes et, États étrangers, un cartel qu’il adressait à l’empereur; c’était là sa réponse : « Si nous avez voulu ou voulez charger, y disait-il, que nous ayons jamais fait chose qu’un gentilhomme aimant son honneur ne doit faire, nous disons que vous avez menti par la gorge, et autant de fois que vous le direz vous mentirez, étant délibéré de défendre notre honneur jusques au dernier bout de notre vie. » Et il le requérait de lui assurer le camp, se chargeant, lui, d’apporter les armes.

Ce cartel fut présenté à Charles-Quint, le 8 juin, à Monzon, par le roi d’armes Guyenne. Charles, avant d’y répondre, crut devoir demander l’avis du conseil de Castille, ainsi que des grands, des prélats et des villes de ses royaumes. Quelques-unes des lettres qui lui furent écrites à cette occasion ont été publiées[1], et l’on peut les regarder comme exprimant l’opinion des divers ordres de la nation espagnole. L’archevêque de Tolède et l’évêque d’Avila, alléguant leur profession et leur peu d’expérience de semblables affaires, s’excusaient d’énoncer leur sentiment sur le parti que l’empereur avait à prendre; le premier lui faisait toutefois observer que trop d’orgueil et un désir trop vif d’accepter le défi qui lui était envoyé, s’il n’y avait en cela une obligation notoire, serait chose condamnée et défendue par la religion. Les avis des grands n’étaient pas conformes : les uns trouvaient que le roi de France, étant le prisonnier de l’empereur, ne pouvait pas le défier; d’autres que ce n’était pas à lui, comme il le prétendait, qu’appartenait le choix des armes; d’autres encore auraient voulu que l’empereur ne se déterminât qu’après son retour en Castille : mais le duc de Nájera l’engageait formellement à accepter le combat qui lui était offert. Burgos et Murcie, au contraire, le suppliaient de dédaigner le défi cauteleux et la téméraire audace du roi de France; elles lui rappelaient les obligations qu’il avait envers ses royaumes et envers la chrétienté; c’était à ses sujets, suivant ces deux villes, de s’exposer à tous les dangers, de faire tous les sacrifices possibles pour la défense de sa cause, avant de le laisser mettre en péril sa personne, et elles lui déclaraient, au nom de leurs habitants, que leurs biens et leurs vies étaient à sa disposition. Le conseil de Castille enfin lui représentait que la loi divine et la raison naturelle étaient également opposées à de pareils défis; que, comme empereur, roi et seigneur, il ne devait ni ne pouvait donner suite au cartel du roi; que d’ailleurs la guerre ne finirait point par là, et que les esprits ne feraient que s’enflammer davantage. Dans un avis particulier, le président de ce conseil, don Juan de Tavera, archevêque de Santiago, se montrait d’autant plus contraire au combat singulier auquel était provoqué l’empereur, qu’il n’en attendait que de déplorables résultats : « car, disait-il, si le roi de France était vaincu par Votre Majesté, comme on doit espérer en Dieu qu’il le serait, il ne perdrait point l’honneur, étant déjà si déshonoré et ayant un si mauvais renom dans le monde, tandis que Votre Majesté aventurerait tant et de telles choses qu’on n’oserait penser au péril qu’elle pourrait courir[2]. »

Charles-Quint avait vraisemblablement pris sa résolution d’avance. Le 24 juin il répondit au cartel de François Ier par un autre cartel, où il répétait que le « roi avait fait lâchement et méchamment de ne lui avoir gardé la foi et promesse qu’il avait de lui, selon le traité de Madrid. Si vous voulez affirmer le contraire, continuait-il, je vous dis que, pour le bien de la chrétienté, pour éviter effusion de sang et mettre par ce fin à cette guerre, et pour défendre ma juste querelle, je maintiendrai de ma personne à la vôtre ce que j’ai dit être véritable... Et à cet effet je vous nomme dès maintenant le lieu du combat sur la rivière qui passe entre Fontarabie et Andaye, en tel endroit

  1. Dans la Coleccion de documentos inéditos para la historia de España, t. I. pp 47-95, et dans les Papiers d’État du cardinal de Granvelle, t. I, p. 384.
  2. Lettre du 20 juin 1528. (Documentos inéditos, p. 55.)