Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 3.djvu/312

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navires à voiles, entre lesquels étaient une dixaine de galions puissamment armés[1]; Andrea Doria en avait le commandement en chef. Les troupes de débarquement présentaient un effectif de trente-quatre mille hommes selon les uns[2], et selon les autres de vingt-sept mille seulement dont deux mille de cavalerie, mais sans y comprendre les personnes attachées à la cour et les aventuriers[3]; le marquis del Vasto, Alonso de Avalos, en était le général sous les ordres de l’empereur.

Après avoir visité la capitale de son royaume de Sardaigne, Charles remit à la voile le 14 juin. Le lendemain il jetait l’ancre à l’entrée du golfe de Tunis, à trois milles de la Goulette. Le débarquement de ses troupes eut lieu le jour suivant; lui-même il descendit à terre avec les chefs de l’armée. Il établit son camp sur le lieu où avait été assise Carthage; plusieurs châteaux-forts y étaient occupés par les Mores, qui en furent délogés promptement. A la nouvelle que l’empereur venait en personne l’attaquer, Barberousse avait renforcé la garnison de la Goulette et en avait confié la défense au juif renégat Sinan, le plus vaillant de ses pirates. Charles, ayant fait reconnaître la place, jugea qu’elle ne pourrait être prise sans un siége en règle : il l’investit, fit mettre en position l’artillerie pour la battre, et donna l’ordre d’ouvrir la tranchée. La garnison et les troupes qui étaient dans Tunis ne négligèrent rien pour entraver les opérations des assiégeants ; chaque jour des escarmouches avaient lieu entre les deux armées : Charles-Quint ne manquait jamais d’accourir au secours des siens, bravant les périls jusqu’au point que plusieurs fois les boulets de la grosse artillerie turque atteignirent, à ses côtés, des personnes de sa suite[4]. Le 26 juin fut marqué par une affaire sérieuse qui tourna à l’avantage de l’armée expéditionnaire, mais qui, sans la vigilance et l’énergie de l’empereur et les efforts héroïques de ses soldats, aurait pu avoir pour elle les plus désastreuses conséquences : Barberousse avec des forces supérieures était venu l’attaquer sur tous les points à la fois. Enfin, le 14 juillet, malgré une résistance désespérée, la Goulette fut prise d’assaut, après avoir été battue par terre et par mer depuis trois heures du matin jusqu’à une heure de l’après midi. Charles était à la tête de ses troupes qu’il animait par ses paroles et par son exemple ; il entra dans la place avec l’infant de Portugal. Quatre cents pièces de canon, quarante-deux galères et, parmi celles-ci, la Capitana que Barberousse avait amenée de Constantinople, quarante galiotes, fustes, brigantins et plus de quatre-vingts petits navires de différente forme tombèrent par là en son pouvoir. Notons un trait qui honore encore plus l’empereur que la victoire qu’il venait de remporter. Un More, ayant demandé de lui parler en secret et ayant été admis en sa présence, lui offrit d’empoisonner Barberousse : rien ne lui était plus facile, car il était le boulanger du roi. Charles, indigné, dit à ce traître que ce serait la honte d’un prince d’employer de tels moyens pour se défaire d’un ennemi, fût-il même un abominable corsaire comme Barberousse. Et il renvoya le More avec mépris[5].

Charles voulait, le jour même de la prise de la Goulette, marcher sur Tunis ; des objections de ses généraux lui firent différer jusqu’au 20 juillet l’exécution de ce dessein. Ce jour-là, de bonne heure, il fit la revue de son armée qu’il mit aussitôt après en mouvement. La marche fut extrêmement pénible. La chaleur était accablante. Le peu d’eau que les soldats avaient pu emporter s’était trouvé bientôt épuisé, et il n’y avait nul moyen de s’en procurer dans les sables brûlants que l’on traversait. L’armée avait fait sept à huit milles, lorsqu’elle rencontra Barberousse en personne, qui l’attendait de pied ferme avec plus de cent mille hommes, dont quinze à vingt mille de cavalerie, dans une position qu’il avait choisie et fortifiée. Charles n’avait qu’une

  1. Lettre de l’empereur à l’impératrice du 12 juin. (Col. de documentos inéditos, etc., t. III, p. 544.)
  2. Journal ms. du sieur de Herbaix. D’après lui, l’empereur amenait 12,000 hommes de Barcelone, et il en trouva 22,000 en rade de Cagliari.
  3. Sandoval, liv. XXII, § VIII. — Lafuente, t. XII, p. 68.
  4. Lafuente, t. XII. p. 72.
  5. Lafuente, l. c., p. 74.