Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 3.djvu/344

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comme s’il se fût agi de conquérir la France. En marchant avec plus de célérité, le dauphin eût vraisemblablement réussi dans son entreprise[1] : mais ce fut seulement le 26 août qu’il se présenta devant Perpignan, et alors le duc d’Albe avait eu le temps d’en réparer et augmenter les fortifications, et d’y faire entrer une nombreuse garnison, commandée par des chefs d’une valeur et d’une expérience éprouvées. Toutes les tentatives des Français pour s’en emparer échouèrent. François Ier s’était avancé le 5 septembre jusqu’à douze lieues de là : découragé par le peu de progrès que faisait le siége, il envoya au dauphin l’ordre de le lever; « cette armée française, la plusb belle et la plus nombreuse qu’on eût vue de tout le règne, effectua sa retraite le 4 octobre[2]. » François n’avait guère plus à se louer du succès de ses armes dans les autres pays où il avait porté la guerre. En Piémont les exploits du seigneur de Langey, son lieutenant, s’étaient réduits à la prise de quelques places de peu d’importance. Aux Pays-Bas le duc d’Orléans avait d’abord conquis tout le Luxembourg, Thionville exceptée, mais la reine Marie n’avait pas tardé à recouvrer cette province. Le maréchal de Gueldre, après avoir défait le prince d’Orange à Hooghstraeten, avait vainement mis le siége devant Anvers et Louvain; il s’était vu forcé de battre en retraite, et n’avait pu empêcher les troupes belges de s’emparer de Sittard, Juliers et Heinsberg. Quelques places insignifiantes dans le voisinage de Calais et de Boulognae étaient tombées au pouvoir du duc de Vendôme. En résumé, la campagne de 1542, pour laquelle François Ier avait fait des efforts prodigieux, en y épuisant en une fois presque toutes ses ressources, se terminait sans lui avoir procuré aucun avantage notable.

Charles avait dû attendre, à Monzon, que les cortès eussent mis fin à leurs délibérations. Deux points faisaient principalement l’objet des demandes soumises à cette assemblée : c’était le vote d’un subside, et la reconnaissance du prince Philippe pour héritier présomptif des couronnes d’Aragon, de Valence et de Catalogne. Les représentants des trois royaumes accueillirent sans difficulté l’une et l’autre demande[3]. Philippe fut reçu et juré prince et futur souverain, à Monzon, en présence de l’empereur, le 14 septembre par les cortès de Catalogne, le 23 par les cortès de Valence, le 6 octobre par les cortès d’Aragon[4]. Quelques jours après, Charles partit pour Barcelone; de là il se rendit à Valence. Dans ces deux capitales il assista à l’entrée solennelle du prince son fils : Philippe, le lendemain de sa réception par les cortès d’Aragon, était allé accomplir la même cérémonie à Saragosse[5].

Cependant Paul III s’était décidé à convoquer à Trente le concile, qui n’avait pu se réunir ni à Mantoue ni à Vicence. Dans la bulle de convocation[6], il rappelait les démarches qu’il avait faites, les peines qu’il s’était données afin d’amener la conclusion, entre l’empereur et le roi de France, d’une paix générale et définitive; il exprimait le regret de n’y avoir pas réussi, sans imputer l’insuccès de ses efforts à l’un plus qu’à l’autre des deux souverains. Au moment où Charles-Quint reçut cette bulle des mains du nonce résidant à sa cour, il venait d’apprendre que les Français avaient commencé les hostilités aux Pays-Bas et dans le Roussillon : il se formalisa de ce que le pontife n’établissait nulle différence entre lui, qui avait tant fait pour la pacification et le bien de la chrétienté, pour sa défense contre les Turcs, pour la célébration d’un concile qui pût mettre fin aux dissensions religieuses dans la Germanie, et celui qui en tout avait

  1. Charles en convient dans sa lettre du 9 octobre à son frère : « Le roy de France, lui dit-il, n’avoit pensé faillir de me surprendre, faisant son compte que tout seroit le sien sans y pouvoir résister, et mesmes qu’il prendroit Perpignan d’arrache-pied, et passeroit outre jusqu’à Valladolid. Et à la verité, si son armée eût marché au temps qu’il avoit délibéré, il m’eût mis en grand désaroy, pour non pouvoir penser estre ceste emprinse vraisemblable. »
  2. Sismondi, t. XII, p. 14.
  3. Le subside qu’ils votèrent fut de cinq cent mille durats. (Vandenesse.)
  4. Journal de Vandenesse.
  5. Journal de Vandenesse.
  6. Elle était datée du 11 des calendes de juin 1542.