Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 3.djvu/348

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espagnoles occupaient encore. Charles, poursuivant son voyage, entre le 14 juin à Crémone.

Paul III souhaitait beaucoup s’aboucher avec l’empereur; il s’était dans ce but avancé jusqu’à Bologne, accompagné de tout le sacré collége; dès qu’il avait su le débarquement de Charles à Gènes, il y avait dépêché le cardinal Farnèse, et ce prince de l’Église était convenu avec l’empereur que l’entrevue aurait lieu à Busseto, petite ville de l’État de Parme, située entre Crémone et Plaisance[1]. Le 21 juin Charles part pour Busseto, où le pape l’avait précédé; il trouve hors des murs quatorze cardinaux venus à sa rencontre[2]; il est conduit au château et reçu par le saint-père, qui ne souffre pas qu’il lui baise le pied; ils y logent ensemble. Ce jour-là et les deux suivants ils ont de longues conférences[3]. Elles roulent sur le traité de Londres, la pragmatique publiée en Espagne, la guerre existante entre l’empereur et le roi de France, les efforts à faire contre les Turcs, le concile, la création de cardinaux, le duché de Milan. Paul III avait vu avec un grand déplaisir l’alliance conclue entre l’empereur et le roi d’Angleterre; la pragmatique ne lui en avait pas causé moins : Charles lui fournit, au sujet de ces deux actes, des explications dont il finit par se contenter. Paul propose, pour la conclusion de la paix avec la France, des moyens que l’empereur ne juge pas admissibles : à son tour il tâche de persuader le pape de se déclarer contre le roi, qui a enfreint la trêve et s’allie aux ennemis de la chrétienté; mais Paul s’excuse de le faire, au moins jusqu’à ce qu’il voie si le roi joindra ses galères à celles du Turc, alléguant le dommage qu’il causerait à l’Église au cas que François, pour se venger, vint à se soustraire de l’obéissance du saint-siége. Charles alors le presse de secourir le roi des Romains contre les Ottomans; il reçoit de lui la promesse de l’envoi d’un corps de quatre mille Italiens en Allemagne. Le concile ne s’était pas ouvert à Trente au mois de novembre, comme le portait la bulle de convocation, et le pape voulait le suspendre tant que durerait la guerre qui désolait la chrétienté; il était, de plus, d’avis de le transférer ailleurs. Trente étant un endroit malsain et incommode pour les logements ainsi que pour les vivres : Charles lui objecte que c’est lui qui, de son propre mouvement, a offert, à la diète de Ratisbonne, de convoquer un concile œcuménique; que la nécessité de ce concile est plus grande que jamais; que ses légats et lui-même ont tenu Trente un lieu très-convenable; que cette ville d’ailleurs a été choisie d’accord avec les états de l’Empire, et que ce serait leur donner de justes motifs de se plaindre que de la remplacer par une autre saus leur consentement. Ébranlé par toutes ces raisons, Paul déclare que, à son retour à Parme, il délibérera sur le fait du concile avec tout le sacré collége. Charles désirait voir élever à la dignité cardinalice plusieurs prélats qui lui étaient attachés : le pape lui remontre qu’il ne saurait faire une création de cardinaux sans y comprendre deux Français au moins, mais qu’il en pourra nommer jusqu’à huit, tant allemands d’italiens, qui seront à la dévotion de l’empereur. Cette combinaison n’est pas agréée de Charles : il trouve que, les Français ayant déjà seuls plus de cardinaux que tous les autres princes ensemble, le nombre n’en doit pas être augmenté. Une affaire intéressait surtout Paul III, dont toute la politique tendait à l’accroissement de sa maison, et cette affaire l’avait déterminé, plus qu’aucun autre motif, à prendre la peine de se transporter jusqu’à Busseto : c’était l’acquisition du duché de Milan au profit du

  1. Les historiens espagnols, Sandoval, Ferreras, M. Lafuente, etc., prétendent que Charles, mécontent du pape, se refusa d’abord catégoriquement à une entrevue avec lui, et qu’il ne finit par y consentir que sur les instances réitérées du cardinal Farnèse. C’est une erreur : dès le mois de janvier, Charles avait écrit à son ambassadeur à Rome, le marquis d’Aguilar, qu’il était très-content de voir le pape, si S. S. en témoignait le désir pourvu que ce fût à Gènes ou à Mantoue, de façon que leur entrevue ne l’obligeât pas à s’écarter de son chemin et ne lui fit point perdre de temps.(Lettre de Charles au roi Ferdinand, du 23 janvier 1543.)
  2. Le pape avait laissé à Parme les autres cardinaux, au nombre de dix-neuf, comme étant affectionnés aux Français.
  3. Journal de Vandenesse.