Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 3.djvu/350

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les alliés des Turcs, le roi de France et le duc de Clèves, qui se sont unis pour attaquer ses États[1]. Aux griefs anciens que Charles avait contre Guillaume de Clèves il s’en était joint un tout récent : ce prince avait chargé ses ambassadeurs à la diète de Nuremberg de négocier une trève avec les ministres impériaux; il ne l’avait obtenue que grâce à l’intervention de plusieurs princes allemands, et lorsqu’il s’était agi d’y apposer sa signature, il avait pris -des prétextes pour s’en excuser, ses troupes ayant dans l’intervalle battu celles de l’empereur devant Sittard[2]. Aussi l’archevêque de Cologne et le comte palatin étant venus parler à Charles en faveur du duc, il leur déclare qu’il n’entrera en aucun arrangement avec celui-ci, tant qu’il n’aura pas renoncé à ses prétentions sur le duché de Gueldre et le comté de Zutphen.

Charles avait amené avec lui quatre mille hommes d’infanterie espagnole, quatre mille gens de pied italiens, huit cents chevau-légers italiens aussi; il avait fait lever en Allemagne seize mille lansquenets et quatre mille chevaux. Ces troupes étant rassemblées, le 5 août il quitte Spire. Il s’embarque, le 12, sur le Rhin, à Mayence; il arrive à Bonn le 17. Là il passe la revue de son armée; il fait don Ferrante Gonzaga son lieutenant général, et mestre de camp général Stefano Colonna. Le 20 il se met en marche. Deux jours après il se présente devant Duren, au pays de Juliers, appartenant à Guillaume de Clèves; il y est joint, le lendemain, par le prince d’Orange, venant des Pays-Bas à la tête de neuf mille hommes d’infanterie, de deux mille chevaux et d’une artillerie nombreuse; il fait aussitôt sommer la ville, promettant aux habitants, s’ils se rendent, de leur conserver leurs franchises et priviléges, sous l’autorité du Saint-Empire. Ceux qui y commandent ne veulent pas entendre le héraut porteur de cette sommation : l’empereur alors fait disposer l’artillerie pour battre en brèche les remparts. La canonnade commence le 24. Le même jour, dans l’après-midi, les Espagnols et les Italiens, sans attendre que la brèche soit convenablement ouverte, et sans en avoir reçu l’ordre, franchissent deux fossés profonds et remplis d’eau dont les remparts étaient entourés, escaladent la muraille et, après une lutte acharnée, pénètrent au cœur de la place. La garnison était composée de cinq compagnies de gens de pied et de quelque cavalerie, sans compter un grand nombre de bourgeois armés; presque tous sont tués ou pris. La ville est livrée au pillage; mais l’empereur défend, sous peine de mort, qu’on touche aux églises ou aux monastères, et qu’on ôte la vie à des femmes, à des filles ou à des enfants. Le lendemain un incendie causé par un accident réduit en cendres la moitié de la malheureuse cité. Charles lève son camp le 27 août. La prise et le sac de Duren avaient répandu la terreur dans tous les pays de Guillaume de Clèves : Juliers, Erckelens, Sittard, Ruremonde, Gueldre, Wachtendonck, Stralen se soumettent sans attendre l’approche de l’armée impériale; Charles reçoit en personne le serment de fidélité des habitants de Juliers et de Ruremonde. Le 2 septembre il va conférer avec la reine Marie, qui était venue de Bruxelles à Weert. Le 3 il se remet en marche, et bientôt il est sous les murs de Venlo. C’était la place la plus forte du duché de Gueldre; elle avait une garnison de trois mille hommes; elle était bien pourvue d’artillerie et de munitions de toute espèce : aussi le gouverneur, malgré le vœu non équivoque des bourgeois, répond-il par un refus à la sommation qui lui est faite.

Cependant Guillaume de Clèves, désespérant d’être secouru par la France et se voyant menacé de perdre tous ses États, se résigne à subir la loi du vainqueur. Par l’intermédiaire du coadjuteur de Cologne, le comte Adolphe de Holstein-Lauenbourg, d’un député de cette ville, le comte de Nieuwenaer et de Meurs, et du duc Henri de Brunswick, il sollicite un sauf-conduit qui lui permette de venir se jeter aux pieds de l’empereur, le supplier de le recevoir en sa

  1. Schmidt, t. VII, p. 148. — Le P. Barre, t, VIII, 2e partie, p. 568. — Lanz, Staatspapiere, p. 383.
  2. Le 24 mars 1543.