Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 3.djvu/362

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il se plaignait, en termes très-vifs, de la partialité que l’empereur avait montrée pour les protestants à la diète de Spire; il faisait faire les mêmes plaintes au roi des Romains par son nonce en Allemagne; dans une nombreuse promotion de cardinaux il affectait de ne pas comprendre l’évêque de Pampelune dont l’empereur désirait la nomination. Tout cela avait blessé Charles-Quint, qui voyait dans Paul III un pontife jaloux de sa grandeur et mal disposé envers lui, envers sa maison, envers les États placés sous son sceptre[1]. Cependant le pape, ayant besoin du concours de l’empereur pour la célébration du concile qu’il avait convoqué à Trente, et ne pouvant compter que sur lui pour la réduction des protestants, s’était décidé à faire une démarche qui témoignât de son désir de rétablir entre eux la bonne intelligence; et tel était l’objet de la mission du cardinal Farnèse. Les premières paroles que ce prince de l’Église adressa à l’empereur furent des excuses de ce qui l’avait mécontenté dans les actions du pape : Charles, l’interrompant aussitôt, lui dit qu’il n’était besoin de parler plus de choses anciennes; qu’il fallait commencer à faire un livre nouveau. Farnèse était chargé de demander que l’empereur agréât l’ouverture du concile, qu’il y envoyât les prélats de ses royaumes, et qu’il prît des mesures rigoureuses contre les protestants; ces demandes étaient accompagnées de l’offre de cent mille ducats pour la guerre contre les Turcs. Charles accepta les cent mille ducats; il promit d’envoyer au concile les évêques de ses États; quant aux protestants, il convint qu’ils faisaient preuve d’une obstination extrême, mais, dans la situation où étaient les affaires de l’Allemagne, il trouvait qu’il valait mieux tenter des moyens d’arrangement avec eux que recourir à des voies de rigueur. Farnèse retourna à Rome le 27 mai, porteur de cette réponse[2].

La diète que avait été ouverte le 24 mars par le roi des Romains, assisté des commissaires de l’empereur, était peu nombreuse; on n’y comptait aucun des électeurs ni des princes de l’Empire. Le 9 juin arriva à Worms le comte palatin Frédéric; mais il n’y resta que peu de jours. Les délibérations ne faisaient aucun progrès; le désaccord était plus grand que jamais entre les protestants et les catholiques. Ceux-ci voulaient que toutes les controverses sur la religion fussent remises à la décision du concile convoqué à Trente; que la paix publique de la Germanie s’observât, non d’après les derniers décrets, mais conformément à l’édit ancien, et qu’en conséquence ceux qui occupaient des biens appartenants à autrui fussent tenus de les restituer, que la chambre impériale se réglât, dans ses jugements, sur les dispositions des statuts en vigueur; enfin que l’empereur ne confirmât point le recez de Spire. Les protestants, au contraire, demandaient que ce recez fût prorogé par une déclaration expresse; ils demandaient la réforme de la chambre impériale; ils se refusaient à se faire représenter à Trente, disant que le concile n’était pas l’assemblée libre et chrétienne qu’on leur avait promise; qu’il aurait dû être indiqué dans l’une des quatre villes de Cologne, Mayence, Trèves ou Metz; que d’ailleurs l’empereur avait fait imprimer à Louvain certains articles, tous contraires à leur doctrine, un surtout qui attribuait au pape une prééminence qu’ils ne lui reconnaissaient point; qu’il avait par là manifesté son opinion; qu’ils ne voyaient pas dès lors à quoi servirait le concile, et à leur tour ils demandaient que sur les différends de la religion il fût tenu un colloque entre des députés qui seraient choisis tant par eux que par les catholiques. En vain l’empereur leur fit remontrer qu’une nouvelle déclaration sur la paix publique était inutile, puisqu’ils n’étaient molestés de personne et que nul ne songeait à les molester; que leur opposition au concile n’était point raisonnable. Trente étant une ville allemande, où leurs mandataires pourraient aller et d’où ils pourraient partir en toute liberté : ils dirent résolument qu’ils ne délibéreraient point sur les matières sou-

  1. Trois années de l’histoire de Charles-Quint, pp. 82-83.
  2. Trois années de l’histoire de Charles-Quint, pp. 83-85.