Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 3.djvu/374

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duc Henri de Brunswick et du grand-maître de Prusse, qui n’avait pu traverser les pays occupés par les protestants, s’était jointe aux troupes du comte de Buren. « Celles-ci » — écrivait le président Schore à Viglius — « étaient les plus belles qu’on pût voir; elles étaient capables de passer partout où elles voudraient en dépit des ennemis, ores qu’il fussent en plus grand nombre[1]. »

Charles se trouvait à la tête de près de quarante-cinq mille hommes d’infanterie et de dix mille chevaux; il avait cinquante et quelques pièces d’artillerie[2] : ayant donné deux jours de repos au corps du comte de Buren, il passa le Rhin le 17 et marcha sur Neubourg, capitale de l’État du comte palatin Othon-Henri, qui avait adhéré à la ligue de Smalkalde. A son approche, les habitants et la garnison, qui consistait en trois enseignes d’infanterie, se rendirent à discrétion. Cet événement, au rapport de l’ambassadeur Mocenigo, produisit un grand effet en Allemagne[3] : Neubourg, que les protestants n’avaient pas tenté de défendre, était une position importante pour eux : elle leur donnait le moyen de courir toute la haute Bavière jusqu’à Munich; elle assurait leurs communications avec Augsbourg et Ulm; elle les rendait maîtres du cours du Danube; Neubourg était aussi le centre d’un pays abondant en vivres, en fourrages et en toute sorte de commodités pour l’armée qui l’occupait[4]. Charles fit prêter, par les habitants de la ville et des autres lieux du comté, serment de fidélité à l’Empire et à son chef : à cette occasion, il ordonna qu’il fût publié dans toute la Germanie qu’il n’entendait, malgré les assurances contraires de ses ennemis, s’emparer, pour lui en particulier, d’un seul pouce de terrain appartenant à l’Empire[5]. Les protestants s’étaient établis et fortement retranchés près de Donauwerth; il repassa le Danube le 23, pour marcher à eux. Arrivé au village de Marxheim, à une lieue de leur camp, il reconnut qu’il ne pourrait les approcher de ce côté, à cause de bois très-épais dont ils étaient couverts, et se dirigea sur la droite vers Monheim. Pendant dix jours il s’efforça, par de fréquentes escarmouches, de les attirer hors de leur position, sans y réussir : ce que voyant et que dans ces affaires l’avantage n’était pas toujours du côté des siens, il décampa le 2 octobre, pour se porter sur Nördlingen. Les protestants, afin de défendre cette ville, accoururent de Donauwerth; pour la seconde fois les deux armées se trouvèrent en présence, et le 4 une bataille parut imminente; Charles la souhaitait, comme il le déclara expressément au duc d’Albe[6]. Quoique, dans la nuit, il eût souffert de la goutte, il n’en monta pas moins à cheval[7], et il parcourut les rangs de ses troupes, les animant par ses paroles et leur faisant partager la confiance qu’il avait lui-même; mais tout se réduisit à des marches, des contre-marches et des escarmouches. Le 8, Charles envoya Octave Farnèse, avec quatre mille hommes d’infanterie italienne, quatre mille lansquenets, les chevau-légers du pape, sept cents chevaux allemands et dix pièces d’artillerie, attaquer Donauwerth, qui capitula après une courte résistance. Höchstadt, Dillingen, Lauingen, Gundelfingen, se rendirent à l’armée impériale sans.attendre qu’elle les y forçât. Charles marchait sur Ulm en intention de l’assiéger; il avait atteint Sontheim-an-der-Brenz, distant de trois lieues de cette ville, lorsqu’il apprit que les confédérés s’étaient mis en mouvement pour traverser son entreprise; déjà leurs têtes de colonnes se montraient à Gingen, village situé à une lieue de l’endroit où il se trouvait; il alla lui-même

  1. Alex. Henne, t. VIII, p. 291. — Mocenigo dit aussi que le corps du comte de Buren était tutta bella gente.
  2. Ce sont les chiffres que donne Mocenigo. D’après d’Avila, l’empereur n’aurait eu que vingt-huit à vingt-neuf mille piétons et huit à neuf mille chevaux.
  3. « ..... Questo successo diede molta reputatione alle cose di Cesare, et ne levó assai a quelle di protestanti..... »
  4. D’Avila, fol. 22 v°.
  5. Mocenigo.
  6. D’Avila, fol. 28 v°.
  7. Sa jambe était soutenue d’un linge, au lieu d’étriers. (D’Avila, fol. 28 v°.)