Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 3.djvu/402

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affirmé que cela provient de ce que toutes les parties de son corps sont si affaiblies, et lui en somme si usé, qu’il ne peut avoir le sentiment si vif qu’un autre. » Marillac ajoute qu’avant qu’il ait terminé les affaires de l’Allemagne et du concile, l’heure viendra vraisemblablement pour lui d’aller voir ce qui se fait en l’autre monde, car tous ceux qui se mêlent d’en juger estiment que nature, sans grâce spéciale de Dieu, ne le saurait supporter plus de dix-huit mois[1]. L’ambassadeur était certain de plaire à sa cour par de telles informations.

Aussitôt après la publication de l’intérim, Charles avait fait demander au pape qu’il envoyât des nonces en Allemagne avec les facultés nécessaires pour dispenser les protestants qui avaient communié sous les deux espèces, les prêtres qui s’étaient mariés et les possesseurs des biens dont avaient été dépouillés les églises et les monastères. L’intérim et la réforme du clergé excitaient à Rome une indignation profonde; on s’y récriait contre l’audace impie de l’empereur, qui usurpait les fonctions du sacerdoce, en prétendant, avec le seul concours des laïques, définir des articles de foi et régler des formes de culte; on allait jusqu’à le comparer à Henri VIII[2]; on n’avait pas découvert moins de sept ou huit hérésies dans l’intérim[3]. Le pape et tout son entourage étaient très-mécontents[4]. Le ressentiment de Paul III contre l’empereur pour l’affaire de Plaisance était loin d’ailleurs de s’être apaisé; l’occupation de Sienne par les troupes impériales venait, au contraire, de l’accroître. Ce pontife n’osa pas toutefois se refuser aux demandes de Charles-Quint : mais il fit attendre jusqu’à la fin du mois d’août la désignation des nonces porteurs des facultés réclamées, et ces facultés il les donna, non telles que l’empereur les désirait, mais avec des limitations qui devaient être peu agréables à ce monarque[5], en laissant entrevoir qu’il ne se refuserait pas à les étendre, si on lui faisait des concessions sur les points qui lui tenaient au cœur[6]. Les nonces choisis par Paul III étaient les évêques de Vérone et de Ferentino. Ces prélats, vraisemblablement selon les instructions qu’ils avaient reçues, ne se pressèrent point de se rendre à la cour impériale; ils arrivèrent à Bruxelles seulement le 27 décembre. Charles les admit à son audience le 5 janvier. Dans la réponse qu’il leur fit, après qu’ils lui eurent exposé l’objet de leur mission, il ne leur dissimula pas qu’il était peu satisfait du pape, qui avait été si long à se résoudre dans une affaire de tant d’importance pour le bien de la religion; il leur témoigna aussi son déplaisir de la lenteur qu’ils avaient apportée dans leur voyage[7]. Il chargea néanmoins ses ministres de s’entendre avec eux sur la façon dont ils procéderaient à l’accomplissement de leur mandat. Les deux nonces partirent, à cet effet, pour l’Allemagne au printemps de 1549[8].

Charles, au mois de février, se trouva assez bien pour solenniser l’anniversaire de sa naissance : il alla le 24, suivi de toute sa cour, à l’église de Saint-Dominique, où il entendit la messe, et, selon son usage, offrit cinquante pièces d’or, nombre égal à celui de ses années. De retour à son palais, il dîna en public[9]. Mais cette amélioration ne se soutint pas, et au mois de mars la goutte l’attaqua de nouveau : elle se déclara d’abord à la tête, lui faisant endurer des douleurs atroces; de la tête elle descendit au cou, puis aux genoux; ensuite elle remonta dans les bras et dans les épaules. Pendant tout le mois de mars il fit la diète du bois de china, qui était contre ce mal son remède habituel[10].

  1. Lettre du 3 février 1549. (Manuscrit cité, p. 133.)
  2. Robertson, t. II, p. 285.
  3. Ranke, Histoire de la papauté, trad. de Haiber, t. Ier, p. 285.
  4. Lettres de D. Diego Hurtado de Mendoza à Charles-Quint des 30 mai et 14 juillet 1548, dans la Bibliothèque des princes Corsini, pp. 201 et 203.
  5. De Thou, liv. VI, en fait connaître la substance.
  6. Lettres de Mendoza à Charles-Quint, des 27 août et 7 septembre, dans Döllinger, tome Ier, pp. 155 et 159.
  7. Journal de Vandenesse.
  8. Papiers d’Etat de Granvelle, t. III, p. 383.
  9. Lettre de Marillac à Henri II, du 5 mars 1549. (Manuscrit cité, p. 169.) — Journal de Vandenesse.
  10. Lettres de Marillac au roi, des 21 et 30 mars 1549. (Manuscrit cité, pp. 183 et 188. — Journal de Vandenesse.)