Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 3.djvu/409

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venir publics en Europe. Ferdinand s’en émut ; il écrivit à la reine Marie qu’il ne pouvait croire que de tels desseins eussent passé par la tête de l’empereur, « car il le tenait si bon seigneur, frère et même vrai père, qu’il était assuré qu’il ne voudrait faire ni penser chose qui si grièvement tournât à sa honte et des réputation. » Il la priait de démentir les rumeurs qui en couraient et qui étaient de nature à causer un grand scandale et de l’émotion entre beaucoup de gens ; si elles venaient à s’accréditer, disait-il, « elles engendreraient choses qui ne seraient pas bonnes et principalement de la défiance entre les affaires de S. M. et les miennes »[1]. Marie lui répondit que les rumeurs dont il parlait n’avaient aucun fondement ; qu’elle ne voyait nulle apparence que, du vivant de l’empereur et de lui, il se fît quelque innovation : « Quant à l’assurance après vos décès, — ajoutait-elle — tiens pour certain que S. M. ne se résoudra que avec vous[2]. » Ces assurances tranquillisèrent Ferdinand. « Je vous crois, — répliqua-t-il à sa sœur — comme est raison, plus que aux bruits de autrui… Je n’ai jamais en rien dubité de S. M. ni eu suspicion quelconque d’icelle, comme ne l’aurai jamais : car je sais qu’il m’est si bon seigneur et frère qu’il ne fera jamais chose qui vînt à mon préjudice en façon quelconque »[3].

A quelque temps de là, Charles envoya au roi des Romains le seigneur de Chantonay, l’un des fils de M. de Granvelle, pour régler avec lui différents points concernant son retour en Allemagne qu’il croyait prochain alors ; Marie, à cette occasion, écrivit au roi : « Hors de la charge de Chantonay vous pourrez connaître que l’intention de Sa Majesté quant à l’affaire dont vous m’avez écrit est conforme à ce que je vous ai répondu, et je vous assure que je n’ai jamais connu autre chose »[4]. Ferdinand n’en jugea pas moins à propos, en renvoyant Chantonay, de supplier l’empereur de ne point permettre qu’on traitât ou proposât quelque chose qui fût à son préjudice et contre son honneur et sa réputation, car il n’en pourrait résulter que de l’aigreur, et lui ne viendrait pas vers son frère, ou, quand il y serait, il s’en irait[5]. Il insista là-dessus dans plusieurs autres lettres à la reine. Quand il connut la convocation de la diète, il lui annonça qu’il s’y trouverait, « ne doutant pas que l’empereur, en toutes les affaires qu’ils auraient à traiter ensemble, aurait l’égard vers lui et les siens qu’il avait mérité, et sous l’espoir qu’il mettrait à part et laisserait reposer l’affaire dont il avait été parlé, comme affaire qui, si l’on voulait la renouveler, pourrait engendrer plus de mal que de bien »[6].

Si Philippe s’était en effet flatté de l’espoir que son oncle pourrait être amené à lui céder la dignité de roi des Romains, le langage de Ferdinand dut le convaincre qu’il s’était abusé : aussi ne s’agit-il plus dès lors, entré l’empereur, le prince et la reine Marie, que d’assurer au prince la succession à l’Empire après la mort de Ferdinand, et Marie se chargea de faire au roi des ouvertures en ce sens. Dans la lettre qu’elle lui écrivit[7], elle s’attacha à le convaincre qu’un tel arrangement serait conforme à l’intérêt de toute leur maison ; que lui et l’archiduc Maximilien ne devaient pas y mettre obstacle, mais au contraire y adhérer sans réserve ; que, lorsque le prince parviendrait à la dignité impériale, l’archiduc commanderait en Allemagne bien plus que lui, qui n’y pourrait guère résider. Elle fit entrevoir à Ferdinand, comme la conséquence de cette combinaison, le mariage du prince avec une des archiduchesses. Elle lui insinua qu’en donnant la priorité au prince sur l’archiduc pour la succession à l’Em-

  1. Lettre datée de Prague le 29 mars 1549 dans Bucholtz, t. IX, p. 726.
  2. Cette réponse est dans Bucholtz, p. 728. Sa date, qu’il ne donne pas, est du 18 avril 1549.
  3. Lettre écrite de Prague le 1er mai 1549. (Arch. imp. à Vienne)
  4. Lettre du 13 juillet 1549. (Arch. impér. à Vienne.)
  5. Lettre de Ferdinand à Marie du 27 août 1549 (Arch. impér. à Vienne.)
  6. Lettre du 29 mars 1550, dans Bucholtz, p. 730.
  7. Le 1er mai 1550.