Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 3.djvu/431

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confédération contre lui[1]. Aussi il écrivit aux trois électeurs ecclésiastiques qui étaient à Trente, afin qu’ils ne s’effrayassent point des bruits qu’on faisait courir, et qu’ils demeurassent au concile[2]. Ce n’était pas qu’il attendit grand’chose de cette assemblée, voyant que non-seulement les protestants travaillaient de tout leur pouvoir à la rendre infructueuse, mais encore que le pape et ses ministres, et les électeurs ecclésiastiques eux-mêmes, qui tous redoutaient la reformation, n’y montraient pas la volonté qu’exigeaient les circonstances : toutefois il en souhaitait la continuation; il n’aurait pas voulu, si elle venait à se dissoudre, qu’on pût le lui imputer. Il était toujours animé du désir qu’elle eût pour la religion et la pacification de l’Allemagne les résultats qu’il s’en était promis, bien que ses ennemis prétendissent le contraire et que, s’il l’avait sollicitée, c’était en vue de ses intérêts particuliers et non du bien public[3].

Maurice cependant, ayant, à la fin de janvier, reçu des commissaires de l’Empire l’argent qui lui manquait pour le payement de ses troupes, ne put se dispenser de les licencier. Cette nouvelle remplit de satisfaction l’empereur, et ajouta à sa confiance. A la vérité l’électeur retenait à sa solde les ritmaîtres et les capitaines; mais Charles ne s’en émut point : « c’était ce que faisaient souvent les princes d’Allemagne; il y en avait même plusieurs qui s’y étaient ruinés[4]. » En vain la reine Marie lui écrivait coup sur coup que les actes et les paroles de Maurice n’étaient que « jeu et stratagème »; que ses promesses ne tendaient qu’à l’abuser[5]; en vain elle lui avait fait représenter par Granvelle, en lui transmettant les avertissements qui lui étaient parvenus, « qu’il valait mieux être trop crédule que par incrédulité s’exposer à être pris au dépourvu »[6]. Son aveuglement était invincible. Il ne trouvait décidément « rien de grave à reprendre dans la conduite du duc, et ne voyait pas avec quel fondement il pourrait procéder à l’encontre de lui[7]. » Une grande agitation se manifestait sur plusieurs points de l’Allemagne : il semblait l’ignorer, car il se berçait encore de l’espoir « que les choses prendraient bon train[8]. » Il faut tout dire. Le 5 février était arrivé à Inspruck un des conseillers de Maurice, annonçant qu’il précédait l’électeur, dont il était chargé de préparer le logement. Ce ministre protestait avec vivacité contre les rumeurs injurieuses à son maître qu’on répandait dans la Germanie; il assurait qu’aussitôt après la séparation de ses troupes, ce prince s’était mis en chemin

  1. « ..... Si bien les voulentez de ceulx qui vouldroient mouvoir sont mauvaises, ilz ont peu de moyen pour les exécuter et ne trouveront la suyte que cy-devant..... Le principal du tout est l’ambition et cerveaul irréquiet du duc Mauritz, voire et, si je l’osoye dire, folie, puisqu’il ne pense jusques au bout le danger auquel il se mectroit, et qu’il n’en pourroit resortir sinon avec confusion et son entière ruyne, et la nécessité du marquis Albert, qui se treuve endebté tant que par désespoir il ne serche sinon moyen de gaigner où que ce soit; et à tout ce que je puis entendre, ni l’ung ni l’aultre ont le cerveaul ni le crédit pour conduire ceste négociation..... » (Lettre de Granvelle à la reine Marie, du 27 janvier 1552, aux Arch. impér. à Vienne.)
  2. Lettre de Granvelle à la reine Marie du 26 janvier 1552. (Ibid.)
  3. « .....Je ne puis délaisser de confesser que je n’ay grand espoir du fruyt que se debvroit actendre du bon espoir dudict concile, pour veoir clèrement que non-seullement les protestans,à leur accoustumé, serchent ce qu’ilz peullent de le traverser, mais que le pape ny ses ministres, ny les mesmes catholiques ecclésiastiques, doubtans la réformation, y démonstrent la voulenté telle qu’ilz debvroient, mais font plustost soubz main ce qu’ilz peullent au contraire. Si est-ce que, s’il pouvoit avoir son progrès, il seroit mieulx, et synon il est plus convenable, pour le service de Dieu et pour ma réputation, si la rompture ou dissolution d’iceluy entrevient, que ce soit plus par leur faulte que par la mienne, afin que, cy-après, quant le temps sera en meilleure disposition pour en pouvoir espérer ledici fruyt, j’en puisse poursuivre la continuation, et afin que l’on ne me puisse imputer, comme aulcuns ont voulsu faire, que je ne désire le bon effect dudict concile, et que la sollicitation que j’en faiz soit seullement pour apparence et pour tenir seullement respect à mes affaires particuliers, et me servir en ce du temps, et non avec considération du bien publicque..... » (Lettre de Charles à la reine Marie du 24 février 1552, aux Archives du royaume.)
  4. Lettre de Charles à la reine Marie du 26 février 1552. (Archives du royaume.)
  5. Lettres du 3 et du 7 février 1552. (Arch. imp. à Vienne.)
  6. Lettre de Marie à Granvelle du 10 décembre 1551. (Arch. impér. à Vienne.)
  7. Lettre du 26 février ci-dessus citée.
  8. Autre lettre de Charles à la reine Marie du 26 février. (Archives du royaume.)