Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 3.djvu/439

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sa conscience, d’aller chercher ses ennemis avec le peu de forces qu’il pourrait assembler, ou bien de quitter l’Allemagne et passer en Italie ou aux Pays-Bas. Ne voulant pas toutefois que pour lui son frère vînt à se perdre, il autorisait Ferdinand à accepter le traité en son nom, sous la réserve qu’il ne serait tenu de l’observer qu’en certains points, et qu’au préalable le roi et son fils Maximilien promettraient, par un acte signé de leurs mains, de ne se déclarer jamais, en aucun cas, l’un ni l’autre contre lui, nonobstant de qui serait stipulé à cet égard dans le traité[1].

Cette réponse mit Ferdinand dans un cruel embarras. Il ne voyait nulle apparence que les confédérés consentissent à faire un changement quelconque au traité, auquel tous venaient de donner leur adhésion; l’armistice était expiré; les médiateurs, redoutant la reprise des hostilités, protestaient que, si l’on ne s’accordait pas, ils seraient contraints de s’unir aux adversaires de l’empereur; ceux-ci donnaient à entendre qu’ils sommeraient le roi des Romains lui-même de se joindre à eux, sous la menace, en cas de refus, d’envahir et de ruiner ses États. D’un autre côté, les nouvelles de Hongrie et de Transylvanie étaient de plus en plus alarmantes; les Hongrois s’abandonnaient au désespoir, voyant qu’ils n’étaient pas secourus de l’Allemagne[2]. Dans ces circonstances, Ferdinand jugea qu’il ne lui restait d’autre parti à prendre que d’aller trouver l’empereur, et d’essayer de le faire revenir sur ses résolutions; il se mit en route le 6 juillet pour Villach.

Ce fut les larmes aux yeux qu’après avoir instruit son frère de tout ce qui s’était passé dans la négociation du traité, après lui avoir dépeint la situation des affaires publiques en général et des siennes en particulier, il le conjura, pour prévenir sa ruine et celle de ses enfants, d’accepter le traité tel qu’il était conçu. Charles lui dit que dans son intérêt il ferait toujours tout ce qui serait en son pouvoir, mais que, pour rien au monde, et quand tout se devrait perdre, et le sien et ce qui était à Ferdinand, il ne voudrait faire chose qui fût contre son devoir et sa conscience; que jamais il ne consentirait à la trève perpétuelle prétendue par les protestants, et qu’il aimerait mieux laisser le roi s’arranger avec eux. En ce qui concernait les griefs, il lui était impossible aussi de reconnaître pour juges et de mettre au-dessus de lui et de ses successeurs ceux qui devaient être gouvernés par eux. Il indiqua au roi les changements à apporter à ces deux articles, si l’on désirait qu’il les admît[3]. Il lui délivra en même temps un écrit où il l’autorisait, en cas de refus des confédérés, à signer le traité, promettant de le ratifier, à l’exception des deux articles susdits, et alors, comme il l’avait déjà annoncé, il se retirerait en Italie ou aux Pays-Bas jusqu’à la convocation de la prochaine diète[4]. Ferdinand reprit le chemin de Passau le 11 juillet. Charles quitta Villach deux jours après, se dirigeant vers Brixen. Le 17, à Lienz, il fut joint par le duc d’Albe, venant d’Espagne[5].

Dès le lendemain de son retour à Passau, Ferdinand communiqua à l’assemblée des princes les changements demandés par l’empereur aux stipulations du traité qui concernaient la religion et les griefs. Les nouvelles reçues de l’approche des troupes que Charles avait appelées d’Espagne et d’Italie, ainsi que des levées d’infanterie et de cavalerie qui se faisaient par ses ordres en Allemagne, avaient modifié l’esprit de cette assemblée : les médiateurs résolurent d’envoyer au duc Maurice et à ses alliés des députés, auxquels le roi adjoignit le comte de Plauen, son grand chancelier de Bohème, afin d’obtenir leur acquiescement aux désirs de

  1. Lettre de Charles à Ferdinand, du 30 juin 1552, dans Lanz, t. III, p. 318.
       Cette lettre notable avait été dictée et revue par Charles lui-même, comme il le dit à son frère dans le post-scriptum, écrit de sa main.
  2. Lettre de Charles à la reine Marie du 16 juillet 1552. (Arch. du royaume.)
  3. Lettre de Charles à Marie du 16 juillet, déjà citée.
  4. Acte du 10 juillet 1552, dans Lanz, t. III, p. 358.
  5. Lettre de Granvelle au président Saint-Mauris, du 17 juillet. (Arch. impér. à Vienne.)