Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 3.djvu/460

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ces violences, abandonnaient leur poste et voulaient même se démettre de leurs fonctions[1]. Dans ces circonstances le prévôt général de l’hôtel, Thierri Herlaer, ayant pris un certain nombre de soldats qui pillaient un village, en fit pendre sept, entre lesquels il y avait cinq Espagnols[2]; les autres, renvoyés par lui libres au camp, ne manquèrent pas de raconter à leurs camarades ce qui venait de se passer. Aussitôt tous les Espagnols se mutinèrent, prétendant qu’il leur avait été fait tort, demandant justice et disant qu’ils voulaient aller la réclamer de l’empereur. Ni leurs capitaines, ni le général du camp, ni les seigneurs de leur nation qui s’y trouvaient, ne purent leur faire entendre raison, et ils prirent en désordre le chemin de Namur. C’était le 10 juillet. Averti à temps, Charles-Quint monta à cheval et se dirigea vers eux. Les ayant rencontrés comme ils étaient déjà dans la ville, il leur ordonna de s’arrêter, écouta avec bienveillance leurs plaintes, leur promit justice; puis il leur fit reprendre le chemin du camp. A une certaine distance hors de Namur, il leur fit faire halte et leur adressa les paroles suivantes : « Soldats, accourir ainsi tumultueusement vers moi, n’est pas chose convenable, car par-là vous déshonorez vous, vos capitaines, toute votre nation, et ma réputation en reçoit des atteintes. Il me déplaît qu’il vous ait été fait tort : mais, chaque fois que quelque chose de semblable vous arrivera, faites-le moi dire par votre colonel ou vos capitaines; jamais je ne manquerai de vous faire rendre justice, et je serai toujours votre bon empereur et votre bon roi. Je donnerai des ordres pour que des informations soient prises sur ce qui est arrivé, et ceux qui ont commis un abus de pouvoir seront punis[3]. » À cette allocution les mutins répondirent par le cri de Vive notre bon roi![4]. Charles voyait avec douleur les désordres que commettaient ses soldats; mais, dans la situation où il se trouvait, en face d’un ennemi redoutable, il se croyait obligé d’user de ménagements envers eux[5] : il chargea la reine Marie de faire appréhender le prévôt Herlaer et informer sur les exécutions auxquelles il avait présidé[6].

Le lendemain du jour où le camp impérial avait été mis en émoi par l’insubordination des Espagnols, il s’éleva à Anvers une sédition qui dura quarante-huit heures et ne cessa qu’après que le magistrat eut cédé aux exigences du peuple. Des causes toutes locales donnèrent occasion à cette émeute : l’impopularité de plusieurs des membres du magistrat; des mesures fiscales dont la conséquence avait été l’élévation du prix de la bière; le bruit répandu qu’on voulait faire payer par la ville la solde des compagnies de

  1. « ..... Tous les officiers se sont eufuyz et, à ce que je voiz, prestz pour quicter le service », écrivait la reine Marie à l’empereur le 15 juillet. (Arch. du royaume.)
  2. Lettre de la reine à l’empereur du 17 juillet (Arch. du royaume.)
  3. « Soldati mici, il correre cosi tumultuosamente verso noi, non è cosa ben fatta, perchè a voi, a vostri capitani et alla nation vostra ne seguita dishonore et acquistate a noi poca riputatione. Mi dispiace che vi sia fatto torto : ma ogni volta che vi occorre qualche cosa, fatemelo dire per il vostro colonelle o capitani, che non vi mancarò mai di giustitia et sarò vostro buon imperatore et buon rè. Quanto al torto che dite esservi stato fatto, usarò diligenza perchè si conosca il caso, et non mancherà castigo a chi havrà errato.... » (Dépêche de l’archevêque de Conza du 15 juillet 1554 : vol. cité, fol. 138.)
  4. Dépêche de l’archevêque de Conza citée à la note précédente.
  5. Il écrivait à la reine le 14 juillet : « L’évesque d’Arras m’a faict lecture des lettres que vous luy avez escriptes de vostre main sur le désordre qui se faict journellement par les gens de nostre camp sur les subjectz, lesquels certes je sens plus que vous ne pouvés penser et austant que vous ny autre qui soit en ce monde. Mais je y vois peu de remide et mesmes tant que l’on sei’a près des ennemys ..... » (Arch. du roy.)
  6. La reine ordonna à Herlaer d’aller tenir prison au château de Rupelmonde : mais, comme elle était convaincue qu’il n’avait fait que son devoir, elle recommanda au châtelain d’avoir pour lui des égards particuliers. (Lettre du 19 juillet, aux Archives du royaume.)