Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 3.djvu/461

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milice levées pour le service de l’empereur[1]. Elle eut pour principe des propos inconsidérés tenus par le serviteur d’un des bourgmestres; parlant à des hommes de la milice qui se trouvait réunie sur le Marché pour être passée en revue, ce valet s’était avise de leur dire : « Vous, vous irez à la guerre, et les Espagnols viendront garder Anvers, et ils coucheront avec vos femmes[2].

De Givet les Français, divisant leur armée en deux corps, s’étaient portés sur Bouvigne et sur Dinant, Bouvigne fut enlevée d’assaut, pillée, brûlée, et ses habitants furent pour la plupart mis à mort. La ville et le château de Dinant capitulèrent après quelques jours de siége. La position prise par l’armée impériale était venue déranger les combinaisons de Henri II; il n’osait plus s’avancer dans le pays de Liége : le 19 juillet, ayant renvoyé en Erance la plus grande partie de son artillerie et de son bagage, et commandé à tous ses gens de faire provision de vivres pour huit jours, il prit le chemin d’Onoz, qui n’est qu’à trois lieues de Namur, faisant semer le bruit qu’il allait attaquer le camp de l’empereur[3]. Mais c’était pour cacher son véritable dessein : car, le jour suivant, il tourna vers le Hainaut et coucha à Gosselies, tandis qu’il envoyait un corps de cavalerie avec quelques gens de pied et deux pièces d’artillerie légère sommer Nivelles. Le 21 au matin cette troupe se présenta devant la ville, dont elle commença par brûler les faubourgs. Trois sommations furent faites au magistrat : les deux premières par le connétable, la troisième par le comte de Roghendorff. La ville avait pour toute garnison cinquante piétons bas-allemands; mais les bourgeois se montrèrent décidés à se défendre. Voyant cette résolution, apprenant que des troupes avaient été détachées du camp de l’empereur et qu’il en arrivait aussi du Hainaut pour marcher contre eux, les Français, à deux heures de l’après-midi, renoncèrent à leur entreprise et allèrent rejoindre le gros de leur armée[4]. Cette pointe des ennemis sur Nivelles avait causé dans Bruxelles une alarme qui s’accrut quand on en vit partir les femmes de plusieurs des secrétaires de l’empereur. Le 20 juillet les membres du gouvernement avec l’ambassadeur de Florence se rendirent chez le nonce, pour délibérer sur le point de savoir s’ils ne se transporteraient pas à Anvers. L’arrivée de la reine Marie, accourue en toute diligence de Mons, où elle était retournée le 15, calma les inquiétudes du public et des ambassadeurs[5].

De Gosselies Henri II se dirigea vers Binche et Marimont, brûlant, détruisant tous les châteaux, les bourgs, les villages qui se trouvaient sur sa route; envoyant à droite et à gauche des coureurs commettre les mêmes dévastations. Binche n’était guère fortifiée, et la garnison ne consistait que dans deux compagnies de gens de pied; aussi fit-elle peu de résistance. Le roi la livra au pillage et à l’incendie avec le magnifique palais que la reine Marie y avait fait édifier, et dans lequel elle avait rassemblé les plus rares monuments des arts. Le château de Marimont, les merveilleux jardins qui l’entouraient, les fontaines et les statues dont ils étaient décorés, eurent le même sort. On rapporte qu’Henri II avec ses mignons entra dans le parc l’épée à la main, disant : « Or sus, mes chevaliers, donnons dedans, » et qu’il s’amusa à leur montrer comment ils devaient accomplir l’acte de destruction qu’il avait résolu[6]. Il se vengeait ainsi de la ruine de son château de Folembray en Picardie, auquel les impériaux avaient mis le feu, ou plutôt des obstacles que la vigilance, l’énergie, le courage de la reine Marie avaient toujours apportés à l’exécution de ses desseins contre les Pays-Bas : mais,

  1. Alex. Henne, t. X, pp. 175-181.
  2. « ..... Voi ve n’andrette alla guerra, et li Spagnuoli verrano alla guardia d’Anversa, et goderranosi le vostre moglie ..... » (Dépêche de l’archevêque de Conza du 14 juillet 1554 : vol. cité, fol. 136.)
  3. Relation des mouvements, etc., p. 109.
  4. Lettre de la reine Marie à l’empereur du 21 juillet. (Arch. du royaume)
  5. Dépêche de l’archevêque de Conza du 22 juillet 1554. (Vol. cité, fol. 144.)
  6. Relation des mouvements, etc., p. 112. — Lettres de Granvelle à la reine Marie.