Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 3.djvu/468

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Pendant l’hiver de 1554 à 1555 Charles-Quint souffrit beaucoup de la goutte; il n’en fut delivré qu’au commencement du mois de mars[1]. Il avait fait appeler à Bruxelles des députés de toutes les provinces des Pavs-Bys qui contribuaient dans les aides[2] : il ne put les recevoir, et ce fut la reine douairière de Hongrie qui, le 5 et le 6 mars, réunit successivement, en sa présence, les différentes députations. La proposition de l’empereur fut lue par le conseiller Philibert de Bruxelles; elle tendait à ce que les états, pour les dépenses de la guerre, lui accordassent un subside égal à celui qui leur avait été demandé au mois d’août précédent; de plus, elle réclamait d’eux la continuation, pour un nouveau terme de six ans, d’une aide qu’ils avaient votée en 1549 et qui était spécialement destinée à l’entretien des compagnies d’ordonnances, ainsi que des garnisons et des fortifications des places frontières. L’empereur convenait que les états lui avaient fourni de grosses sommes, et il les en remerciait affectueusement; mais ils savaient aussi à quoi elles avaient été employées et ce qu’il avait mis de son côté, par la déclaration particulière qui leur, en avait été faite : « Vous pouvez être assurés et vous confier de Sa Majesté, » leur disait l’orateur « qu’elle fera tout ce qui lui est possible pour excuser de vous charger, et que, si elle trouvait autre moyen, quel qu’il fût, pour pouvoir éviter de vous importuner en vous demandant si souvent aides, elle s’en déporterait très-volontiers, et qu’elle n’y vient sinon forcée pour votre propre nécessité[3]. » Les états accordèrent, après des délibérations plus ou moins longues, les deux demandes faites à leurs députés.

Le 23 de ce même mois de mars mourut le pape Jules III. Il fut regretté de Charles-Quint, qui avait eu à se louer de lui plus que de ses deux prédécesseurs, Clément VII et Paul III. Le sacré collége, le 9 avril, élut à sa place, d’une voix unanime, Marcel Cervino, cardinal de Sainte-Croix. L’Église et la chrétienté se promettaient beaucoup des vertus et du caractère du nouveau pontife; malheureusement une apoplexie l’emporta vingt et un jours après son élection. Le conclave, s’étant assemblé de nouveau, lui donna pour successeur, le 23 mai, Giovanni Pietro Caraffa, noble napolitain, cardinal évêque de Chieti, qui prit le nom de Paul IV. Il n’aurait pu faire choix de personne qui fût autant contraire à Charles-Quint et à l’Espagne : Caraffa était animé d’une vieille haine contre l’empereur, qu’il accusait d’avoir été cause de la propagation des doctrines de Luther par son désir d’abaisser l’autorité pontificale, et dont il avait eu à se plaindre personnellement, ce monarque, lorsqu’il fut élevé au siége archiépiscopal de Naples, l’ayant fait attendre pendant longtemps avant de lui en laisser prendre possession; il lui en voulait aussi pour avoir recommandé à tous les cardinaux qui étaient sous sa dépendance de ne pas lui donner leur voix; il détestait les Espagnols, qu’il traitait d’héritiques, de schismatiques, de maudits de Dieu[4]. Comme il n’avait pas été élu sans contradiction, que le collége des cardinaux lui était même généralement défavorable[5], les partisans de l’empereur à Rome lui proposèrent de déférer son élection au concile comme entachée d’illégalité. Charles-Quint non-seulement s’y refusa, mais encore il ordonna à son ambassadeur, D. Juan Manrique, de féliciter le pape, en son nom et en celui de son fils, sur la suprême dignité à laquelle il venait d’être appelé, en l’assurant qu’il verrait avec plaisir l’elévation des membres de sa famille[6]. Cette condescendance n’eut pas d’effet sur le vindicatif

  1. Dépêches de l’archevêque de Conza des 10 et 12 mars 1555. (Reg. cité, fol. 308 et 310.)
  2. C’était le Brabant, la Flandre, l’Artois, le Hainaut, la Hollande, la Zélande, le Namurois, la châtellenie de Lille. Douai et Orchies, Utrecht, Tournai, le Tournaisis et Malines.
  3. Arch. du royaume, reg. Propositions aux États généraux, 1535-1563, fol. 136.
  4. Relazione di Roma di Bernardo Navagero, 1558, dans les Relazioni degli Ambasciatori Veneti, série II, vol. III, p. 388.
  5. « ..... Fu crato pontefice contro al volere di tutli i cardinali che temevano della sua natura, ai quali non aveva voluto mai compiacere. » (Ibid., p. 378.)
  6. Sandoval, liv. XXXI, § II.